lundi 30 mars 2009

SIMON VOUET À BESANÇON


BEAUX-ARTS


Simon Vouet, les années italiennes (1613-1627)
AU MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE BESANÇON

ÇA N'EMPÊCHE PAS D'ALLER VOIR !



SIMON VOUET / Les anges portant les instruments de la passion, 1625
(Fragment conservé au musée de Besançon)


L’exposition Simon Vouet , coproduite par les musées des beaux-arts de Nantes et de Besançon, propose de découvrir des œuvres réalisées durant « la période italienne » du peintre. Un périple de 14 ans qui embarqua l’artiste français jusqu’à sa notoriété. C’est le XVIIe siècle qui débute. Cette époque où l’on vient de toute l’Europe étudier les antiques et les génies de la Renaissance. Venise, Rome, puis Gênes... Milan, Parme, Bologne et bien sûr Florence. Simon Vouet n’oublie rien, ni Véronèse, ni le sulfureux Caravage dont le français s’inspire largement. Carrache et lui viennent tout juste de quitter la scène terrestre où ils ont abondé en cette fin du Cinquecento (les deux hommes meurent à un an d’intervalle). L’un et l’autre laissent l’héritage d’une révolution picturale sans égale. Titien, le Tintoret juste avant... Vouet ne concède aucune ombre au tableau d’une Renaissance qui s’achève dans le tumulte des guerres de successions, alors qu’Henri IV succombe sous les coups de surin de Ravaillac en place de Grèves et qu’à Madrid, Cervantès se prépare à publier la deuxième partie de son Don Quichotte. (Pour vous dire le décor dans lequel s'ébat le génie du Monsieur en question). C’est l’époque de Rubens, « l’Homère en peinture » dira plus tard Delacroix. Rubens le baroque, l’érudit, le riche diplomate. Rubens, bientôt Velázquez et Rembrandt, l’immense, le plus grand des « nordiques » ; l’ogre Rembrandt bien avant Picasso.


SIMON VOUET / Allégorie de la richesse, 1634


Là « au milieu », un peu coincé dans ses arrangements et son abus de pittoresque... un Simon Vouet pensionné par le jeune Louis XIII et qui rapidement parcourt les absides et les culs-de-four de Rome en vedette « américaine » au milieu d’une cohorte d’artistes étrangers en résidence dans la ville éternelle. Sa manière habile en peinture autant qu’en société... (Peut-être aussi "quelques accords diplomatiques officieux transnationaux pour dénouer quelque conflit d'alors") lui vaut en 1624 d’être nommé à la direction de l'Accademia di San Luca, une consécration pour un représentant de la couronne de France. Deux ans plus tard, la ville pontificale lui offre de travailler à une commande pour la basilique St Pierre ; un ornement pour la Pietà de Michel Ange (l’œuvre est aujourd’hui détruite dont un fragment est conservé au musée de Besançon). Son retour en France l’année 1627 au privilège exclusif de la maison des Bourbons, épouse le dessein d’une destinée artistique nationale, perpétuant son goût de l’argent, des honneurs et de l’intrigue politique. Jusqu’en cette année 1637, jusqu’à cet « Enlèvement des Sabines » prodigieux, jusqu’à ce fichu Poussin de retour en France à son tour... L’honnête Poussin, tout son bel esprit que le grand maître en peinture « installé » tente d’évincer grâce à ses nombreuses formes d’amitiés. Poussin, savant, tant inspiré pourtant, mais vaincu... repart pour Rome et ne cessera dés lors d’influencer son siècle et ceux qui suivront, artiste immortel. Où l’inventeur poussin l’emporte sur le bagout bien colorié du suiveur Vouet... où l’histoire, si je ne me trompe, a préféré retenir l’esprit profond et moral de l’un plutôt que les ronds de jambes fleuris d’un autre. Car quelle « grande histoire » retient vraiment ce Simon Vouet ? (une belle méthode, d'accord !... de la couleur aguichante ; la facture impeccable...) juste après Carrache ou Caravaggio... La grande scène italienne, juste avant Poussin ou ce Van Dyck... oui ! quel « Vouet » saurait si intelligemment se glisser en ce panthéon pictural européen, sinon une certaine arrogance française retrouvée ? Et il y eut encore bien pire après lui. Prenez Le Brun, son élève en tous points. Le protégé du roi soleil lui-même, le favori, le petit chouchou de la cour ; le peintre du plafond de la galerie des glaces à Versailles. Une bien bonne facture encore, oui c'est entendu. Charles Lebrun, le peintre officiel, le Directeur de la toute jeune Académie Royale de peinture, et qui comptait rivaliser avec les guildes de St Luc... Cette prétention française encore.
NÉON™


SIMON VOUET / Vénus endormie, 1630-40



Musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Besançon (27 mars - 29 juin 2009)
L'exposition a reçu le label d’intérêt national du Ministère de la culture.

Elle rassemble des œuvres dispersées dans les plus grands musées du monde (National Gallery of Washington, Los Angeles County Museum of Art, Palazzo Bianco à Gênes, Galleria Nazionale d’Arte Antica di Palazzo Barberini à Rome, Musée du Louvre, Musée des Beaux-Arts de Lyon…) et dans des collections privées.




L'ATELIER DE JULES™ / IX


LES ENCADRÉS




GOUACHE SUR PAPIER CANSON 30X40cm / JULES™



Une totalité (de faits) n’est pas réductible à la somme de ses parties, et présente des traits d'un genre qui lui est propre. Sui generis (voir le panoptique de Néon™/N°2), À propos de l'enseignement d'Émile Durkheim. Le professeur en sociologie moderne reproche à Rousseau l'idée de vouloir réduire la solidarité sociale à l'union autour des lois qui "attachent les individus au groupe, non les individus entre eux ; ils ne sont solidaires les uns des autres que parce qu'ils sont tous solidaires de la communauté". Une telle société implique en substance, des individus complètement interchangeables et aliénés au processus d'unité sociale. Au contraire Durkheim propose la philosophie d'une société non homogène fondée sur la spécialisation des tâches et des fonctions. Par conséquent, cette société a besoin d'individus non interchangeables, précisément valorisés par "les caractères différentiels" qu'ils apportent à la société.



dimanche 29 mars 2009

LE COUP DE CHAUD / XIII



(ROMAN EN LIGNE)
LE COUP DE CHAUD
-13-



Un roman... et c'est évidemment Tony™ qui s'y recolle ! Sacré Tony ™ ! Un roman... ou une somme de lignes superposées au mouvement de l'air ambiant. Un de ces procédés écologiques pour dire la couleur verte qui lui coule dans les yeux au lieu d'une industrie lourde incapable de le distraire vraiment. Un roman... disons plutôt une correction à la volée d'un vieux manuscrit laissé pour compte par faute de temps, l'été 2003. Le coup de chaud... où ce qui arrive à force de prendre des douches froides au travers du cadre strict d'une météo de merde. Le coup de chaud ou une façon de décliner un paquet d'histoires anciennes, des engrenages, la mécanique rouillée des passions en retard. L'effort illuminé d'en découdre avec ses vieilles leçons de voyages, les malles défaites un peu partout dans le coeur de gens admirables et réconfortants. Le coup de chaud... comme on dirait : de La poésie, le cinéma... un tas d'emmerdements à la fin.


(PUBLICITÉ)



CHAPITRE 7
L'AMANITE TUE-MOUCHES
Amanita muscaria
(SUITE)


L’angiosperme en question mesurait environ 30 mètres et portait le nom mystérieux de Viviane sur l’arbre généalogique familial. Un feuillu du côté de son père... mais relativement difficile à repérer au milieu d’une descendance aussi luxuriante. Fagoté de son titre d’alpiniste malgré sa décision de tout arrêter, Antoine considéra plus galant de prendre en main les opérations de topographie sur le terrain pour permettre à la demoiselle de rester concentrée sur son ouvrage de métaphysique. Se rappelant les conseils de Pierre avant chaque départ de course, le garçon s’était procuré au dernier moment un guide topographique précis des environs de Palluau édité par le comité national des sentiers de grande randonnée avec l’autorisation de l’Institut Géographique National. (On retrouvait la forêt magique de Marion, répertoriée d’Ouest en Est comme un ensemble de feuillus communs, parcouru par un itinéraire(X) balisé de Grande Randonnée, le GR2 dans l’une de ses subdivisions, intitulée Gr24C entre la commune d’Estissac et celle de Mussy s/seine).

-X-On dénombre en France au moins 100 000kms de ces chemins de traverse parfaitement normalisés, où il suffit de suivre les flèches bicolores rouges et blanches pour vivre une expérience exceptionnelle de pleine nature.

La brochure conseillait la précaution préalable à toute aventure sur les sentiers, d’adhérer à une association de plein-air, et de veiller surtout à ce qu’elle soit membre de la fédération française de la randonnée pédestre... Une sorte de parti fédéraliste dominant sûrement ! dans l’idéologie du parcours à pied nationaliste promeneur ! Un mouvement de pieds, mais ajusté à son cadre strict de pratique, dans la droite de ligne du parti des marcheurs d’élite. Une sorte de Club Alpin Français si vous voulez ! les joies du relief en moins.

L’ouvrage ouvrait sur cette information capitale :
SAVEZ-VOUS QUE :
-VOUS ETES RESPONSABLES DE TOUS LES DEGATS CORPORELS OU MATERIELS QUE VOUS POUVEZ CAUSER A AUTRUI.
-VOUS COUREZ VOUS-MEMES DES RISQUES DE TOUS ORDRES ENTRAINANT DES FRAIS MEDICAUX, D’HOSPITALISATION, DE TRANSPORT, UNE INCAPACITE PARTIELLE, TOTALE, OU PIRE LE DECES.
ASSUREZ-VOUS ! PRECISAIT ENCORE LA PLAQUETTE.
Enfin, une belle publicité concluait :
UN JOUR DE SENTIER =HUIT JOURS DE SANTE !

Antoine regretta Pierre pour ce qu’il ne fût pas avec lui pour atteindre son but avec son aisance habituelle, mais se débrouilla tout de même pour l’imiter. La route était décrite avec une certaine perspicacité par les auteurs du guide, mais dans un sens seulement (venant du Nord-Ouest). S’engageant par le Sud-Est, Antoine dut faire preuve d’une certaine circonspection pour réussir à se diriger dans le paysage : Il lut donc en commençant par la fin : A l’extrémité du sentier, tourner à gauche : on atteint le D.34 qu’on suit à droite sur environ 2,8 km (forêt privée). Prendre à gauche un chemin empierré, en lisière de forêt, jusqu’au D.166 qu’on emprunte à droite jusqu’à : LES LOGES-MARGUERON.

A l’intersection des cotes 2346 et 730,5 du quadrillage kilométrique Lambert zone II, Marion, qui s’était laissé conduire sans être dupe des embranchements, des fourches ou des ramifications détournées... serra très fort Antoine dans ses bras et l’embrassa plusieurs fois sur la bouche pour le récompenser.

Ses lèvres mouillées d’ambre, sa bouche comme l’enfer, un ravin d’amour frais… l’abîme sublime et la langue didactique, déferlante de Marion.

Le temps était magnifique. Les hautes pressions persistaient depuis plusieurs jours sur une bonne partie de l’Europe occidentale, mais on pouvait déjà sentir les prémices d’une perturbation imminente par l’arrivée d’un front froid se déplaçant rapidement au-dessus des côtes Atlantique.

Pierre aurait pu facilement calculer qu’à la vitesse moyenne de 40 km/h, le courant d’air critique mettrait au moins onze heures pour parcourir la distance qui les séparait des côtes anglaises. De sorte que les deux promeneurs pouvaient marcher quelques heures encore sans souci particulier d’aucune sorte.

La forêt de Chaource™ (pour le nom d’une marque déposée de fromage au lait cru, et rachetée par un groupe commercial nippon au début des années quatre-vingt-dix comme pas mal d’autres choses encore… fromages, châteaux, vins de Bordeaux...) n’avait pas cette aura particulière de l’histoire de la forêt d’Orient, sa voisine au Nord Nord Est d’à peine une dizaine de kilomètres. La forêt d’Orient et sa réputation de décor fabuleux où eurent galopé, dit-on, les Chevaliers de la table ronde avant d’y enfouir « quelque part » leur formidable trésor (beaucoup creusaient depuis !… des candidats à la fortune regroupés sous forme d’associations loi 1901 à but… non lucratif). Une forêt commune, mais qui n’en restait pas moins un merveilleux exemplaire de ce qu’était l’état naturel du monde aux prémices du temps des fleurs, des arbres et des plantes vertes.

Quoique les fleurs, plus complexes que les plantes vertes étaient apparues bien plus tard à la surface de la terre… Mais de cela, précisément à ce moment-là, Antoine n’en n’eut vraiment rien à foutre ! Ni des fleurs (en particulier des pissenlits qui nourrissaient les vaches du canton de Chaource), ni du lait cru qu’on caillait avant de récupérer la crème pour faire du beurre cru ; ni des techniques d’affinage ancestrales qui foutaient le camp à l’étranger ; ni de tout cela, ni de la vie bactérienne (schizomycètes ou protistes procaryotes), protophyte, protozoaire, ou métazoaires (par opposition), et — de toute façon — microscopique… qu’il écrasait sous ses pieds sans même le savoir ! Non plus qu’il n’eut le moindre début d’attention pour les Chanterelles, les Coprins, les Pleurotes… l’Armillaire couleur de miel (très parfumé), le Rosé des prés, la Volvaire gluante (qui comme son nom ne l’indique pas forcément est un excellent comestible)… Ni de toutes ces élucubrations champignonesques parfaitement indigestes, ni d’aucun vénéneux non plus ! Pas même l’énorme Amanite tue-mouche qu’il allait s’enfiler pour rire et qui lui collerait la pire gerbe de sa vie pendant huit jours. Oui, et Antoine se rappela la publicité : Un jour de sentier…

Antoine dut se résoudre à lâcher là ses règles de géographie un peu gauches et ses balises de sécurité de toutes sortes empruntées à Pierre, son nord magnétique, qui tirait déjà un peu vers l’Est (Antoine n’en était pas forcément conscient). Mille puissances vertigineuses se confondaient maintenant avec le soleil, le ciel et la terre, l’humus tendre et fertile du sous-bois ; le corps chaud, embrasé… flambant neuf de Marion ; sa peau légèrement mate d’origine et un trompe l’œil en forme d’un bien étrange papillon dessiné sur son dos… Un principe cabalistique tracé à la plume jusqu’au sang…

L’air sentait bon, un parfum comme la feinte d’une conjugaison. Le temps, était plus-que-parfait… Elle, la plus habile dans cette forme du temps passé, s’était défaite la première sous les ramées allogènes de Dame Viviane. Marion se défit… aida aussi le jeune homme à se défaire de son infinitif un peu sommaire, tant et si bien que tous deux s’ôtèrent… l’un l’autre dans cette sorte de grammaire douteuse, même pour un temps de saison.

Toute une vie minuscule et merveilleuse des sous-bois, amorçait d’accomplir la métamorphose d’Antoine B. par le biais d’une première tentative sur le terrain de la linguistique appliquée. Est-ce à dire aussi que le fils de Charles et Madeleine, le troyen… le danseur raté, l’ami de Pierre disparu en montagne ; l’alpiniste qui apparaîtrait plus tard sous les traits d’un photographe de guerre pour stagner au fond des yeux détrempés de Marie ; l’amateur d’abîmes, pour l’heure reconverti aux horizons modérés pour baiser au verbe « hêtre » (cette forme de conjugaison de style sylvestre) ; oui, ce poète travesti dans la lumière mordorée des futaies… irait jusqu’à entreprendre cette mue considérable, thérapeutique… par l’entremise d’un style de jouissance, forestière ? Un roman d’amour à la façon d’une profession champêtre. Un guide de botanique ; l’ouvrage naïf d’un simple amateur en jardinerie.


(À SUIVRE)





mercredi 25 mars 2009

LE RADEAU DES CIMES


À BORD DU RADEAU DES CIMES



PHOTO © JL GANTNER / GABON 1999


C’était au mois de mars 1999 dans les brumes matinales de la forêt équatoriale africaine. J'avais rejoint la mission du professeur de botanique tropicale Francis Hallé au centre du Gabon. Un campement au milieu de la forêt des abeilles. Lieu-dit : La Makandé (0°40 Sud, 11°54 Est). Une quarantaine de scientifiques venus du monde entier profitait d’un laboratoire aérien inventé par l’architecte français Gilles Ebersolt « le Radeau des cimes ». Une plateforme suspendue sous un ballon gonflé à l’hélium. L’ensemble permettait de voyager sur l’air au-dessus de la canopée, à la vitesse des Toucans.

Cette photographie fut prise pendant la réalisation d’un boulot de reportage pour une émission de télévision « Les nouveaux mondes / France 2 ». (L'image et son inévitable contre champ !) Le souvenir d’un point de vue inoubliable sur cette incroyable machinerie aérostatique plantée dans son décor d’arbres géants. Deux câbles fixés au sommet du ballon permettaient de positionner un objectif et son opérateur à une distance idéale de l’équipement scientifique (à disons, cinq ou six mètres de la cabine de pilotage et dix du radeau...) Une glissade dans l’air saturé d’humidité. Le spectacle insensé d’une forêt vierge en travelling, à quelques mètres seulement de notre embarcation gonflée à l’hélium. Le décollage à l’aube dans le voile frais des condensations tropicales, la lumière ocre verte qui s’estompe, cède sa place au chant des brûleurs à gaz. Les premiers cris des grands singes. Le signal du jour, celui du réveil tonitruant de la canopée. Cette sensation est indescriptible sinon qu’elle s’agite dans mon souvenir à la manière d’un voyage dans la lune, rien de moins ! Un de ces voyages de Jules Verne... Une façon de se déplacer, mais sans fracas, sans rien déranger du monde naturel et de son mécanisme instinctif bien réglé. C’est-à-dire une manière de bouger, mais dans le sens d’une transformation profonde. Un déplacement sur soi-même en quelque sorte, par opposition à toute autre forme de tourisme ou d’excursion gratuite.

Je n’ai plus vraiment volé depuis. Juste emprunté quelques machines à gaz un peu chères, dans l’air moche des usines et des slogans télévisuels à vingt heures. Rien qu’une échappée belle dans les masses d’air naturelles pour mesurer l’impact des coïncidences thermiques entre le bleu du ciel et le vert de ses yeux, et puis plus rien. J’ai vu tout ce bois précieux répandu en forme de tables chez tous mes voisins. La demeure des Toucans transformée en chaises, le territoire des indiens converti en rocking-chair, la citadelle pygmée réduite à un meuble de jardin… Que vouliez-vous que je vous dise de plus ? ça fait dix ans déjà. La terre vue juste d'un peu plus haut, un vol inoubliable.
JLG



PORTRAIT À LA LOPÉ - GABON /© JL GANTNER



DU PROFESSEUR HALLÉ À PROPOS DU MONDE VÉGÉTAL :

"L'être humain, qui se croit au sommet de l'évolution, compte 26 000 gènes dans son ADN. On a découvert que le génome du riz en détient 50 000. Le double ! Ça a été un choc pour les biologistes"

"L'homme possède un seul génome, stable. Chez l'arbre, on trouve de fortes différences génétiques selon les branches : chacune peut avoir son propre génome, ce qui conforte l'idée que l'arbre n'est pas un individu mais une colonie, un peu comme un récif de corail".


"L'arbre n'est pas programmé pour mourir. Il suffit d'aller dans la banlieue de Londres, au jardin botanique de Kew Garden, pour voir une collection d'arbres potentiellement immortels. Les chênes y vivent éloignés les uns des autres au milieu d'immenses pelouses. Leurs branches basses traînent par terre et s'enracinent pour donner de nouveaux arbres, qui à leur tour en donnent d'autres. Si les conditions restent bonnes, pourquoi voulez-vous que ça s'arrête ? Le plus vieil arbre que l'on ait identifié pour l'instant, le houx royal de Tasmanie, a 43 000 ans. Sa graine initiale aurait germé au Pléistocène, au moment de la coexistence entre Neandertal et l'homme moderne".

"J'ai passé beaucoup de temps à tenter de défendre la forêt primaire, et je n'ai rien obtenu. Mais sur le plan éthique, se battre a une valeur. Je me considère comme extrêmement privilégié : grâce à l'expérience du Radeau des cimes, j'ai vu ces merveilles et j'aurais voulu que mes contemporains puissent en profiter. Le sous-bois de ces forêts, ce qu'on voit à hauteur d'homme, ne présente pas grand intérêt. En revanche, ces canopées sont d'une beauté spectaculaire, impossible à décrire. Une fois que vous avez vu ces couronnes d'arbres en fleurs, ces animaux extraordinaires et de toutes tailles, que vous avez entendu le concert de la faune canopéenne à la tombée du jour, au milieu des lucioles, vous ne pouvez plus y toucher. Par ailleurs, c'est une immense réserve en molécules biochimiques, un trésor planétaire qui offre des perspectives formidables pour la recherche pharmaceutique. Un jour, on aura besoin de ces molécules et on se dira : c'est bête, on les avait sous la main et on n'en a pas tiré parti".


de Francis Hallé
AUX ORIGINES DES PLANTES (FAYARD)
L’ÉLOGE DE LA PLANTE (SEUIL)

D'autres auteurs sur le thème de l’arbre et des plantes vertes
LA VIE SOCIALE DES PLANTES / JEAN-MARIE PELT (FAYARD)
LA PLUS BELLE HISTOIRE DES PLANTES / PELT-MONOD-MAZOYER-GIRARDON (SEUIL)
MYTHOLOGIE DES ARBRES DE JACQUES BROSSE (PETITE BIBLIOTHÈQUE PAYOT)





mardi 24 mars 2009

PHOTOMOBILE™ - 123


LES PHOTOMOBILES DE JL GANTNER

(Des images réalisées à partir de son téléphone portable, ses communications régulièrement mises "en ligne". Tout un commerce d'échange et totalement inutile de libres transports avec un vrai mobile d'une bonne marque™ collée sur l'écran. "De l'art moderne" pour ceux qui en douterait, comme on dit aussi "De l'électronique embarquée" ou "De la pression dans un pipe line" )



MESSAGE N°123


PHOTOMOBILE N°123 / JL GANTNER 2007
Message envoyé de Besançon-Franche comté-France
10 juin 2007 à 13H24 GMT





LES PHOTOMOBILES™ DE JL GANTNER SONT VISIBLES À LA GALERIE LA PRÉDELLE À BESANCON






lundi 23 mars 2009

LE COUP DE CHAUD / XII



(ROMAN EN LIGNE)
LE COUP DE CHAUD
-12-



Un roman... et c'est évidemment Tony™ qui s'y recolle ! Sacré Tony ™ ! Un roman... ou une somme de lignes superposées au mouvement de l'air ambiant. Un de ces procédés écologiques pour dire la couleur verte qui lui coule dans les yeux au lieu d'une industrie lourde incapable de le distraire vraiment. Un roman... disons plutôt une correction à la volée d'un vieux manuscrit laissé pour compte par faute de temps, l'été 2003. Le coup de chaud... où ce qui arrive à force de prendre des douches froides au travers du cadre strict d'une météo de merde. Le coup de chaud ou une façon de décliner un paquet d'histoires anciennes, des engrenages, la mécanique rouillée des passions en retard. L'effort illuminé d'en découdre avec ses vieilles leçons de voyages, les malles défaites un peu partout dans le coeur de gens admirables et réconfortants. Le coup de chaud... comme on dirait : de La poésie, le cinéma... un tas d'emmerdements à la fin.


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CHAPITRE 7
L'AMANITE TUE-MOUCHES
Amanita muscaria



Madeleine ne s’était pas réellement senti concerné par l’accident de Pierre à l’époque. D’ailleurs Madeleine Conte ne s’était plus jamais senti concernée par grand chose, en vérité !… ni de cette folie passée des montagnards, ni du grand amour de Sophie pour son intelligent marquis (ses paradoxes, la probabilité d’une révolution... Tout ce qui pour finir, avait pu lui empoisonner la vie jusqu’à cette fin tragique…) Non, rien n’avait plus jamais intéressé madeleine au-delà des yeux brillants du petit garçon qui lui rendait visite de temps en temps dans sa chambre d’hôpital à Brienne-le-chateau(X). Le petit garçon et ses beaux yeux bleus, son beau regard triste qui lui rappelait pourtant quelque chose… quelque chose d’elle peut-être ?… quelque chose rien qu’à elle. Mais Madeleine n’en était pas sûre, comme Madeleine ne fut plus jamais sûre de rien. « Antoine, son petit roi, son petit prince, son petit Conte, son petit rat », « son petit papillon »... (mais Madeleine ne s’en était plus souvenu non plus !) »

-X- Château construit au XVIIIe s. Par L. Fontaine sur l’emplacement d’un château féodal. L’ancien couvent des Minimes abritait l’école militaire où Bonaparte fit ses études de 1779 à 1784 (et par conséquent : musée Napoléon) ; culture du chou ; fabrication et fête de la choucroute ; hôpital psychiatrique.

Une à deux fois par mois, Hélène recevait ces gens... dans son élégante petite robe vieux rose. Le Chanel qu’elle avait toujours préféré entre toutes. La couleur lui allait bien, un vieux rose pâle sur le teint jaune de Madeleine, mais le père d’Antoine continuait de voir sa femme, nue, en génuflexion… prosternée par-dessus de la fenêtre de leur hôtel particulier troyen… s’écartant les cuisses au-dessus de la rue, à deux doigts de sauter dans le vide en hurlant ». L’image grotesque et obsédante avait fini par lui gâché la vie.

Depuis ce jour, Charles Conte-de-Beauregard n’avait plus jamais réussi à pénétrer une femme correctement. Ni Rose, ni plus aucune autre secrétaire intérimaire qui ne demandait que ça... Madeleine et sa génuflexion... lui avaient gâché sa vie, sa virilité et le reste de ses activités commerciales. De son côté, Antoine s’était mis à la peinture et calquait à l’infini toutes sortes d’insectes lépidoptères sur des papiers jaunis qu’il envoyait à sa mère par la poste et à ses petites amies lorsqu’il avait le cafard. Ses grands yeux très clairs et sa réputation héroïque au pilier du Freney, l’avaient en partie épargné du désagrément physique contracté par son père. Au lycée par contre, où il redoublait son année de terminale, les choses allaient de mal en pis. La science et la géographie exceptées, cette année-là fut catastrophique. C’est sa professeur de Français, la première, qui fit part à son père d’une transformation malheureuse dans la conduite du garçon. Un simple exercice l’avait convaincu du bouleversement considérable de son jeune poète, oui... Un enfant très doué pour l’improvisation. Un esthète à sa manière. Un élève de talent dans la matière du maniement de la langue et sensible à ses sonorités « vous comprenez ?! » Son professeur raconta à Charles comment elle avait découvert Antoine, le nez dans un atlas d’astronomie, « oui, comprenez bien »... répétait l’enseignante. « Un simple atlas... pour parler d’un passage du Chant X (celui du Paradis) dans la Divine comédie.

SOLEIL : Astre central, lumineux du monde que nous habitons et autour duquel gravitent les planètes. Sa température superficielle est estimée à 5750°C. Le rayon du globe solaire considéré comme sphérique, vaut 109 fois le rayon équatorial de la terre. La distance de la terre au soleil est de 149,5 millions de kilomètres. Sa lumière met 8 mm 18 s pour parvenir jusqu’à nous...

Ce jour-là, Antoine hésita un long moment devant sa page blanche à cause d’une image séduisante de Marion installée à sa droite, puis recopia mot pour mot cette version mesurée du Larousse pour expédier ce qu’il pensait de l’astre éclatant. « Entendez encore Monsieur Comte... qu’Antoine aurait pu au moins s’arrêter sur les soleils noirs de la mélancolie de Nerval, le soleil de minuit de Tournier et puis les soleils mouillés de Baudelaire... tous réunis à la même page à la lettre S du Robert. Mais non, rien. Une suite de mesures toutes faites et dénuées du moindre sentiment humain, voilà tout. Une simple conclusion algébrique, je ne sais pas si vous vous rendez compte ?! » Charles ne se rendait pas tout à fait compte c’est vrai. Mais n’importe qui aurait pu voir qu’il faisait aussi un effort honnête pour intéresser la jeune femme à son activité commerciale en berne. Un outil plein d’ardeurs au savoir faire irréprochable, mais qui ne répondait plus aux exigences du marché. « Que voulez-vous ? » Charles parla avec une légère tristesse dans la voix. Un timbre sombre qui plut tout de suite à la jeune femme. « Sa drôle de bouche et ses petits yeux rentrés. Oui, peut-être ?... mais je ne suis pas certaine. Je ne m’arrête jamais à ce genre de détail physique dans la conversation d’un garçon ».
Antoine échoua au baccalauréat, mais avec un dix-neuf sur vingt en géographie et une note très prometteuse en maths.

Ils se retrouvèrent au Kane, le café le plus proche du lycée. Antoine disait le Kane comme tous les garçons, au contraire de Marion (sa voisine de droite en Français) qui préférait dire le Citizen comme la grande majorité des filles de son âge qui fréquentaient l'établissement. « Une sacrée belle plante ! » aurait affirmé Pierre (mais Pierre ne pouvait plus rien dire à présent ! ni au présent, ni même à la première forme du conditionnel passé. Pierre gisait, imparfait… écrabouillé quelque part au pied d’une affreuse paroi des Alpes du Nord). Personne, non, personne ne l’avait jamais retrouvé.

Marion était une de ces filles piquées aux croyances naturelles et à la Mythologie des peuples anciens. Un truc qu’elle tenait de sa tante à ce qu’elle racontait... Une vieille tante du côté de son père dont la famille disait que c’était une sorcière. La belle plante... ou plutôt la fleur d’élite, le p’tit bouquet... visait une carrière d’astrologue entre ses cours de science nat’ et un certain attrait pour la biologie génétique. La garance Rubia peregrina spéculait sur les lignes du ciel et apprenait à lire l’avenir dans le cœur des arbres ; le nœud, ou la rosette des bouts de bois. L’Arménia maritime (ou Gazon de l’Olympe) devinait le meilleur et surtout le pire des gens dans le bouchot ou la culée. « Depuis toujours… » racontait Marion, « l’arbre représentait un symbole universel. L’arbre cosmique autour duquel s’organisait les jolies choses du monde. Il fut un temps, expliquait encore la jeune vierge... où, bien avant l’apparition de l’homme sur la terre, un arbre géant s’élevait jusqu’aux cieux, et constituait l’axe de l’univers... »

On retrouvait ce frêne géant dans les textes traditionnels de la mythologie germanique sous le nom d’Yggdrasill. Il était le sycomore de l’Égypte antique ou encore l’olivier de l’orient musulman. Les croyances populaires de Sibérie décrivaient l’esprit d’une femme d’âge mûr qui apparaissait quelquefois entre les racines du bouleau. Ses cheveux au vent, elle découvrait ses seins nus qu’elle offrait au voyageur. Marion regrettait le monde des nymphes, les dryades et des elfes. Aux fleurs-fée... des forêts magiques, succédaient aujourd’hui la glèbe d’un monde balisé sans espoir pour lequel la jeune fille n’était pas réellement préparée...

Un samedi après-midi, la jolie fée Marion entraîna Antoine dans la forêt de Chaource toute proche. C’était là que se trouvait son arbre, une espèce d’idole en forme de hêtre baptisé du nom d’une aïeule disparue. Une déité naturelle censée protéger les hommes de la foudre et d’un tas de trucs dont parla la jeune fille avec tendresse, mais le garçon avoua qu’il avait un peu de mal à se concentrer sur ces sortes d’images hermétiques. Marion expliqua son origine lituanienne(X) à Antoine. Une filiation du côté de sa mère…

-X- HIS : En 1410 le roi Ladislas II Jagellon (grand prince de Lituanie et roi de Pologne) porta le coup décisif dans les rangs des chevaliers teutoniques. La bataille de Grunwald (Tannenberg) sonna le glas des dernières grandes croisades chrétiennes. On raconte que c’est un chêne mythique Romuva, détruit par les armées allemandes qui avait déclenché les foudres des gens de l’Est. Dégagés de leurs obligations communistes depuis 1991, et malgré leur conversion officielle au catholicisme il y a bien longtemps déjà ; les lituaniens ont renoué avec leurs anciennes coutumes forestières et pratiquent volontiers les cérémonies naturelles. Ainsi, bien souvent, dans les campagnes colorées des rives de la Baltique, certaines églises restaurées apparaissent au spectateur attentif, dans l’alignement d’un poteau de bois sacré, d’un totem à tête de serpent couronné, d’un essaim d’abeilles, ou d’un loup… des saints de bois sculptés dans la mémoire du temps, prêts à en découdre à nouveau avec le premier bolchevique qui oserait pointer son nez dans la campagne inspirée. Des saints de bois et leurs rites païens, qui sentent bon le frêne, le tilleul et l’Armoise ; le parfum des champs. (Mais qui se souviendrait encore d’un tas de choses pareilles ? disons, d’ici dix ans ?…) Des saints, quand même gonflés ! Des saints qui bombent le torse depuis 1992 pour plaire aux touristes, aux marchands ; pour plaire aux marchands de touristes… Des saints, météorisés dans la belle et grande Europe économique et libéralisée jusqu’à la sciure de ses chaussures. Des saints d’ébénisteries en kit, de charpentiers en libre-service ; des saints de bois de d’industrie lourde, des saints industriels… des saints en Teck pour prier au sec ! de l’Okoumé, de l’Amarante, des saints exotiques pour faire plus de fric ! des saints en lamellé-collé, des saints agglomérés, reconstitués… des saints promis au grand marché commun, à la monnaie unique. (Du beau bois, du bois excité par le progrès, la nouveauté ; et qui allait vite cramer... Une bonne boiserie catholique reconvertie au droit d’inventaire et à la liberté d’expression, mais tout le monde ne finirait par y voir que du feu !)



(À SUIVRE)







lundi 16 mars 2009

JEAN-PIERRE SERGENT


PORTRAIT



JEAN-PIERRE SERGENT
INSOLATION ET AUTRES PUISSANCES SYMBOLIQUES



SERGENT (le film)

SERGENT / ©JL GANTNER 2009



« Je préfère Pollock… Les indiens d’Amérique et Jackson Pollock ». Sa façon qu’il eut de « peindre » à plat sur le sol (ses drippings) et sa fascination pour les arts amérindiens. Je crois que la conversation s’est installée comme ça, à propos des traces laissées sur le sable par les indiens navajos, et des civilisations aztèques ou mayas. Jean-pierre rentrait d’un voyage à New-York. C’était l’automne et il me racontait la lumière du soir sur Hudson river, toute l’énergie qui se dégageait derrière les briques du quartier des galeries entre la 28e et la 29e rue à l’aplomb de l’Empire State Building. L’artiste avait eu un studio à Chelsea pendant des années. Une grande partie de sa production provient de cette « époque américaine ». Mayan Diary, un travail de sérigraphie sur plexiglass. De la matière plastique pour communier avec la nature et les lumières d’outre-tombe. C’est Léo Castelli qui lui donne ses premiers tuyaux. Le galeriste est le découvreur de Robert Rauschenberg, de Twombly, de Jasper Johns… Castelli, le plus grand marchand d’art du monde, un des principaux initiateurs de l’expressionnisme abstrait américain, le promoteur du pop art (Warhol, Lichtenchtein, Judd ou Rosenquist…) « Il m’a appris le métier d’artiste. C’est-à-dire la manière de se vendre, d’être dans le business pour continuer de créer sans être obligé de crever de faim. Tout le contraire de ce qu’on m’avait appris en France ». Jean-Pierre me parlait de ce moment où après être sorti de l’école des Beaux-arts, les chevaux lui avaient d’abord permis de vivre en attendant de vendre ses premiers tableaux (un élevage de chevaux… américains dans le Haut-Doubs).


"MAYAN DIARY #9", ACRYLIC SILKSCREEN ON PLEXIGLASS & TINTED PLEXIGLASS, 2007, 55"X55"


« Je suis parti à Toronto pour me rapprocher d’une galerie. La première à m’avoir vraiment aidé ». Le Canada… et puis New-York. Des expositions à Harlem, à Manhattan... Pour le reste, je n’en sais rien ou autant dire, pas grand-chose. C’est-à-dire aussi que je ne suis pas homme à fouiner dans le curriculum des gens que je rencontre pour la première fois. New-York, Manhattan, Castelli, Rauschenberg, Andy Warhol… J’avais déjà pas mal à faire avec le décor. On parlait avec un mur de feu érigé derrière nous. Une fresque de facture « mexicaine »… ou pour être tout à fait précis, une réunion de forces cosmiques dirigées par Wak-Chan-Ahaw, le dieu maya du maïs. L’installation d’une vingtaine d’œuvres sérielles aux couleurs d’une large gamme de sirop (pardonnez ma digression). Une confiserie « spirituelle » dressée comme un totem moderne sur l’hôtel de quelques mondes anciens. L’homme, l’éleveur de chevaux à ses débuts, avait commencé par l’abstraction pour s’en défaire complètement face à la puissance du soleil et à l’esthétique de la pluie. Car voilà, la peinture de Sergent ne raconte rien (au sens d’un tableau occidental agonisant du XVIIIe siècle, j'entends !) mais amplifie plutôt une vitalité naturelle « surhumaine ». Tout le contraire d’un Goya par exemple (ce cri d’angoisse d’un homme abandonné des dieux, disait Malraux à propos du peintre de Saturne ou du Trois Mai). Courbet plutôt. Oui, une « représentation » de Courbet ... mieux qu’un vieux « récit » de salon. Ou alors Manet, voilà, juste de la couleur ; allons pour Manet et on en parle plus. Disons pour aller au plus simple : tout sauf de la fiction. Ou pour finir sur ce thème de la facture… et pour revenir un instant sur Pollock… Pas une manière, un style, pour proposer une image de la nature, mais la nature elle-même.


"BONDAGE AND FREEDOM", ACRYLIC SILKSCREEN ON PAPER 2003


À dire vrai, le travail de Sergent a plus à voir avec cette matière d’un Giotto, les fabricants d’apparitions du quattrocento. Ceux-là mêmes qui transigeaient avec les transparences du ciel par le truchement de vieilles vérités antiques restaurées. Car voilà que nous y sommes enfin. Sergent… le chaman. Un initié à la démiurgie « primitive », aux obsessions des sociétés archaïques. Son œuvre fait appel à ces forces oubliées du mandala, de l’axis mundi et des mondes souterrains, cette vibration du cosmos tout entier… Des strates fécondes, qui s’interpénètrent comme des sexes à l’heure de la transfiguration. Chaque typon insolé, chaque couche de couleur tirée l’une par-dessus l’autre sur le papier ou la plaque de verre synthétique… élabore un élément alchimique, indivisible de la conjonction finale. Et je n’aurai encore rien dit sur le point des mille variations atomiques de ces images hallucinantes (ces hallucinations), leurs pouvoirs brillants ; sans avoir évoqué la trajectoire, nette, qui s’impose d’emblée entre l’art pornographique occidental et les tribulations du panthéon inuit, sibérien, japonais ou précolombien. Des variations harmoniques autour de l'instrument amoureux, et permettez-moi alors de convoquer le verrou de Fragonard ou cette Origine du monde de Gustave Courbet à la table des métamorphoses, sexuellement notables. Chez sergent, les corps de femmes sont plombés d’idoles chamaniques jubilatoires. Une représentation sexuée du monde sensible qui nous relie les uns aux autres par le biais d’une sorte de pureté des sens originelle. Un monde « d’avant l’architecture ». L’œuvre est une forme d’archéologie des forces invisibles, une accumulation d’instincts sur le mode d’un raisonnement sacré. De la peinture comme de l’énergie pure ; une pulsion sensuelle, oui, sexuelle… pour aller jusqu’au bout de l’affaire. « Un jaillissement de la libido » proclame Sergent. Oui, pour être tout à fait clair « seul le corps a raison ».


"MAYAN DIARY #12", ACRYLIC SILKSCREEN ON PLEXIGLASS & TINTED PLEXIGLASS, 2007, 55"X55"


Prenez cette muse au ton dominant rose clair Mayan Diary #12 par exemple… La jeune femme est attachée, menottée selon le rite japonais du Kinbaku/Shibari. L’image est vue d’en haut et percée de phylactères masqués, illisibles dans leur totalité… une offrande peut-être, ou un sacrifice sous une couche d’aigles légendaires dessinés comme des calices ailés, des rôdeurs célestes (comprenez ici l’objet comme l’expression la plus répandue qui s’y rattache : ce calice à boire jusqu’à la lie… et rajoutez ce thème de la souffrance et de l’humiliation comme un code source applicable à l’ensemble. (Nous avons beaucoup parlé à propos de ce point précis d’une expérience de la douleur et de l’idée d’une pratique sexuelle « humiliante » imposée au corps. Jean-Pierre n’était pas forcément d’accord avec cette première traduction sans pour autant m’imposer de changer de point de vue sur son œuvre. « Cet instant magique où la souffrance ultime se transforme en Océan de plaisir » écrit l’artiste à new York en 2002. Finalement, nous nous sommes arrêtés sur une interprétation commune d’un regard occidental asphyxié par toute une machinerie profane, hermétique de la vision. Point de calice aérien alors, comme j’avais cru le voir rapidement, mais « un hôtel de flammes sacrées » explique Sergent. La braise ardente insinuée entre les cuisses d’un corps de femme supplicié selon son propre souhait. Le feu rituel d’une église archaïque suspendu à des cordes d’amour. Un four des forges féminines, et la combustion de son enveloppe grossière ; le moteur d’une régénération périodique. Un feu fécondant et purificateur superposé à l’acte d’extase physique le plus déroutant. Voilà plus sérieusement ce qu’il faudrait voir sur les Bondages de sergent et je n’étais plus sûr de rien !) Mon interlocuteur me fit remarquer que je ne voyais qu’avec mes yeux, et je mesurais l’effort considérable qu’il me faudrait alors faire pour gagner les hauteurs considérables du brasier sans me défaire complètement de mes a priori.

Il restait à terminer le voyage initiatique avec cette Mayan Diary #12... Oui, terminer le voyage par le commencement ; par la première couche de pigments visibles si vous préférez. Remarquez alors une mire quasi militaire. Des pointeurs industriels répartis sur le corps de cette Vénus, finalement plus sûre d’elle-même que je ne le pensais. Le verre dépoli d’un appareil d’architecte, un géoplan, le viseur d'une caméra reflex. Un dispositif de croix ajustées comme pour indiquer les quatre directions et leur centre. Le crux latin (celui du tourmenteur), les croix de Krishna, celles des incas taillées dans les éclats du jaspe. La croix… omnisciente, universelle. L’ensemble, l’œuvre ainsi « réunie »… est à raisonner comme un lieu de méditation, une caverne sacrée, mais entièrement ouverte sur le monde moderne.


"MAYA #6", ACRYLIC SILKSCREEN ON PLEXIGLASS, 2002, 55"X55"

L’extase ou la mort ? Telle peut être la question posée par l’œuvre monumentale de Sergent ; ou bien comprenez la conjugaison des deux, dans une forme d’équilibre des masses passagères… là se cache peut-être la matrice de l’ancien calendrier maya. Une peur du vide ancestrale et la couleur de la terre pour se raccrocher aux astres. Une véritable insolation.
JL GANTNER


Pour conclure, Jean-pierre Sergent tenait à publier ce texte écrit à New York en 2002. L'artiste évoque ici la beauté. "La beauté connue en France uniquement comme valeur esthétique bourgeoise et non comme une énergie cosmique, dont nous avons peut être oublié de parler dans le film", m'écrivait-t-il.

BEAUTY IS ENERGY

"With beauty may I walk" The Night Navajo Chant
Avant que l'argent en inscrivant le temps dans l'histoire ne nous dépossède dramatiquement de notre plénitude, la beauté était en harmonie avec notre temps intérieur comme un organe, une aura, une harmonie cosmique.
C'est cette liberté qu'il nous appartient de retrouver dans le temps universel, le temps des abeilles aux rayures jaunes et noirs, des fourmis rouges, des coccinelles rouges à points noirs qui parlent aux ancêtres, des scarabées dorés messagers des Dieux, des oiseaux du paradis et des fleurs à l'exubérante sensualité.
L'Homme avait compris cela empiriquement en imitant la Nature qui c'était faite belle et désirable pour survivre l'éternité.
La beauté est une force vitale au même titre que la libido, le seul espoir de survie dans un monde violent et chaotique. Plus qu'une notion esthétique c'est une force spirituelle, un lien tangible pour communiquer avec les esprits des mondes visibles et invisibles.
Ainsi chaque feuille d'arbre est un champs d'amour silencieux qu'il nous faut chaque jour réapprendre à écouter.
Jean-Pierre SERGENT New York, juillet 2002



REMERCIEMENTS




VOIR LE SITE DE JEAN-PIERRE SERGENT



LE COUP DE CHAUD / XI



(ROMAN EN LIGNE)
LE COUP DE CHAUD
-11-



Un roman... et c'est évidemment Tony™ qui s'y recolle ! Sacré Tony ™ ! Un roman... ou une somme de lignes superposées au mouvement de l'air ambiant. Un de ces procédés écologiques pour dire la couleur verte qui lui coule dans les yeux au lieu d'une industrie lourde incapable de le distraire vraiment. Un roman... disons plutôt une correction à la volée d'un vieux manuscrit laissé pour compte par faute de temps, l'été 2003. Le coup de chaud... où ce qui arrive à force de prendre des douches froides au travers du cadre strict d'une météo de merde. Le coup de chaud ou une façon de décliner un paquet d'histoires anciennes, des engrenages, la mécanique rouillée des passions en retard. L'effort illuminé d'en découdre avec ses vieilles leçons de voyages, les malles défaites un peu partout dans le coeur de gens admirables et réconfortants. Le coup de chaud... comme on dirait : de La poésie, le cinéma... un tas d'emmerdements à la fin.


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CHAPITRE 6
MORT AU PILIER DU FRENEY
(DEUXIÈME PARTIE - FIN )


La nuit s’annonçait magnifique. Avant de sauter dans la dernière benne du téléphérique de l’aiguille chargés de tout leur matériel d’escalade, Antoine prit la peine de téléphoner à sa mère. Un rituel auquel il ne dérogeait jamais. ni l’un, ni l’autre n’avait évidemment le moindre moyen de s’en douter, mais à ce moment précis des toutes dernières précautions d’usage, et d’un ciel bleu, dense et presque noir où pointeraient bientôt les premières étoiles... Madeleine et Antoine se parlèrent pour la dernière fois. Elle l’embrassa très fort à plusieurs reprises et Antoine ressentir ses lèvres humides et chaudes, réconfortantes sur ses joues. Un court instant, les yeux plantés dans la grâce du couchant, il pensa au papillon... se dit qu’il devrait un jour renseigner sa mère d’une vague préférence qu’il éprouvait pour les papillons au lieu des rats, mais s’avisa de n’en faire rien pour cette fois. L’esprit d’Antoine grignotait la ligne d’horizon accablée sur les crêtes occidentales pendant que Madeleine se rongeait le sang dans son luxe inutile de recommandations. Sa mère lui fit promettre de faire attention à lui, de ne prendre aucun risque inutile, de ne rien envisager qu’il puisse regretter ensuite... Madeleine fit comme font toutes les mères du monde dans ces cas-là, puis raccrocha. Les ombres du Brévent achevaient d’embarquer l’architecture typiquement savoyarde, et le béton gris des constructions nouvelles, sans distinction de classe. La montagne, immense colosse, prit le relais sous la forme d’une silhouette monumentale en mouvement sur la ville. Puis ce fut le rugissement métallique du téléphérique s’arrachant du monde veule, amorphe et ses reflets violets, vers les hautes sphères éclatantes.

Le lendemain vers onze heures trente, La bonne retrouva sa patronne debout sur un fauteuil à médaillon, nue ou à peu près nue... installée juste au pied de la fenêtre ouverte de la chambre d’où l’on aurait juré que Madeleine avait pris la décision de s’envoler !... L’employée de maison tenta tout ce qu’elle pu afin d’essayer de ramener Madeleine dans l’alignement d’une ère d’atterrissage plus propice, mais n’en trouva pas la force suffisante. Une véritable hystérique.
-Voulez-vous que j’appelle Monsieur ? Répétait la bonne...
Madeleine ne répondait plus qu’en jurant, ou par de longs râles stridents.
-J’appelle le docteur madame. Faites pas de bêtise, je l’appelle tout de suite... Terrifiée, l’employée avait composé le numéro du médecin de famille, mais avait avalé sa langue en même temps.

Pierre et Antoine n’étaient plus qu’à quelques longueurs de corde du sommet. Ils attaquaient la traversée difficile qui mène au grand dièdre-cheminée surplombant. Antoine, engagé sur quelques prises mal-aisées avait tout d’abord ressenti des picotements comme des fourmillements aux extrémités des doigts. C’est à peu près au même instant que Pierre remarqua l’énorme masse noirâtre se comprimer au-dessus d’eux. Les jambes d’Antoine se mirent à flageoler, légèrement pour commencer, mais qui communiquèrent en ondes successives et de plus en plus fortes au reste du corps, comme un frissonnement.

-Vacherie de merde, qu’est-ce que tu fous ?!... Pierre voyait l’issue de leur aventure se dessiner en une suite logique de verticales tirées vers le bas. Il était 11h30 ce dimanche matin, c’est-à-dire 66 heures et 30 minutes exactement après qu’ils eurent quitté la vallée de Chamonix par le téléphérique. Soit 12 heures d’escalade depuis le col de Peuterey. À 11h31 calculait Pierre... Antoine décrocherait « de ce putain de pas de VI » (selon l’échelle de cotations proposée par Lucien Devies pour les alpes occidentales, et qui coïncidait pour le VIe degré aux limites des possibilités humaines). À peine une seconde plus tard, il l’entraînerait lui, dans une chute que rien ni personne alors ne pourrait enrayer, lui... ses savants calculs et sa panoplie de petit géomètre. Aussi et en conséquences tragiques de quoi ; considérant encore de l’ordre de la minute... le temps qu’il leur faudrait pour parcourir le segment de droite précédemment cité sous la forme du Pilier central : Pierre estima À 11h32 au grand maximum, le moment où ils auraient rejoint le col Italien par la voie la plus courte. Un record de descente toutes catégories. La grande classe !

Antoine enviait tout de même cette faculté de Pierre à pratiquer le calcul mental avec autant d’esprit, sincèrement ! Mais pas ce jour-là, non ! Pas cette fin de matinée juste avant midi. Pierre, son frère de courses. Un génie de la règle des trois et de la preuve par neuf ; un savant considérable en système métrique ; un accro des chiffres ronds, des nombres proportionnels et inversement... Le Georges Mallory du pourcentage, le Paul Preuss(X) de la racine carrée... Avec un peu de chance, on l’aurait même plus tard embauché à la SNCF ou au service des sports d’un journal télévisé. Mais pas tout de suite, pas maintenant ! Pour l’heure, l’arpenteur bloquait sur le zéro, le trouillomètre figé sur le premier chiffre d’un alphabet quantique qu’il maîtrisait pourtant mieux que personne. L’aventure de leur vie, « le tournant décisif », l’aurore de leur fortune prochaine... basculait indubitablement du côté des chiffres impairs, et de leur stricte part variable... Dans un instant, Antoine allait planter-là, au comble d’un vide affreux, les plus beaux rêves de son avenir d’expert géomètre. Tout était joué, « comme deux et deux font quatre »... Antoine allait lâcher prise. Ils mourraient tous les deux comme Antoine parlait toujours d’un grand éclat blanc à la fin. Voilà Tout.

-X- Paul Preuss. Grimpeur autrichien célèbre pour ses ascensions de parois difficiles en solitaire. Une référence dans le domaine qui servira d’exemple à beaucoup de grands alpinistes qui suivront comme le tyrolien Reihnold Messner ou encore Patrick Edlinger d’origine toulonnaise. Preuss fut l’auteur d’un théorème appliqué à cette discipline dont un des point essentiels consistait en cette simple formule. À savoir que le principe de sécurité dérive d'une honnête estimation de ses capacités, et non de l'utilisation de moyens de progression artificiels. Preuss meurt en octobre 1913, après une chute de 300 mètres alors qu'il gravissait en solo la face nord du Mandlwand.


Le grimpeur de tête, sentit la force considérable de la terre aimantée ; toute la puissance des atomes. Mais le garçon ne cria pas d’instinct. « Immortel... » persuadé d’une assurance individuelle unique contre les aléas des grandes énergies cosmiques ; protégé des trous noirs et de toute la matière instable. Les anges célestes n’expirent-t’ils jamais qu’à la stricte limite des fournaises sidérales ?

Au même moment, Hélène ressentit l’abîme brûlant ; mille flammes infernales... et une multitude d’archanges célestes complètement dépassés face à la puissance terrible du grand incendie. Le moment exact où la mère d’Antoine tenta d’engager le pire des combats contre les forces réfugiées en une commissure calcinée de son ventre pillé. La pire des batailles. Un vrai carnage ! Mais Hélène ne se laisserait pas faire... Non, Hélène ne laisserait pas son petit Antoine supplicié de telle manière, infâme... sans réagir. Hélène sauverait son petit ange, son martyr, oui, quitte à se faire cramer elle-même dans l’ypocauste de la maison de son fils prodigue, et pour l’éternité éternelle... Son artiste, son petit rat d’amour... son angelot, son petit bout de mulot à elle...

Antoine n’avait éprouvé qu’une chaleur intense lui traverser le corps ; un éclair fulgurant. La foudre s’était abattue sur la paroi qui gardait encore son odeur écœurante. À quelques mètres... ou quelques centimètres seulement de la cordée. La frayeur de leur vie, mais saufs. Une simple manœuvre d’intimidation. Faible, pauvre argument ! Le cœur de l’orage, lui, s’était déplacé plus à l’Est, et la neige qui tombait maintenant sur les dalles lisses de protogyne menant au sommet, conférait à cette fin d’expédition le caractère singulier, d’un monde tout entier, qui recommencerait.

À 12h30 l’équipe marchait sur l’arête du brouillard en héros. Trois heures plus tard, selon les prévisions de Pierre, la cordée tiendrait sa victoire définitive au sommet du Mont-blanc. Dans une sorte de joie confinant à l’euphorie, l’élève ingénieur s’accorda la faveur d’un dernier calcul...

-4606m... Encore 201m et c’est gagné mon pote !

Ce furent ses derniers mots. Pour une raison inconnue, le garçon se détacha du Cordon ombilical qui le reliait à son compagnon depuis la veille, et disparut à jamais dans la tempête.

Marie avait écouté l’histoire d’Antoine, serrée tout contre son corps bouillant. Pour la première fois, la jeune femme s’était rendu compte de son amour pour lui. Son amant... Son amant d’alpiniste d’Antoine, son Antoine aujourd’hui photographe ou tout ce qu’il pouvait bien lui faire plaisir d’imaginer être encore pour tenter de l’épater !... Elle et son p’tit cul. Elle fut aussi un peu triste pour Tony, mais c’était déjà trop tard. Marie n’avait pas envie d’y penser, pas maintenant ! Marie ne voulait plus penser à rien justement. Je crois qu’ils écoutaient un truc d’Edith Piaf à ce moment-là. Paris, cet air d’accordéon lancinant. Paris... Montparnasse et le café du dôme, les faubourgs, le quartier latin, les Tuileries et la place Vandômeuh... Antoine aimait beaucoup les sonorités, le timbre de voix de la nana de Paname. Ses vieilles voix étranges et ronronnantes dans l’arrière-plan sonore craquelé... Tout ce qui lui rappelait son enfance avec sa mère. Ces souvenirs d’un cinéma réaliste en noir et blanc, un peu chiant aussi.

Marie sut qu’Antoine repartirait encore loin d’elle. Elle sut qu’elle aurait mal encore une fois, qu’elle aurait encore froid et qu’elle pleurerait sûrement.
Alors Marie s’occuperait de son petit Jules... Marie entourerait Jules d’un amour total qui l’accompagnerait chaque jour, chaque nuit, à chaque seconde... Ça lui prendrait beaucoup de temps bien sûr ! pas assez pourtant... Non, pas assez pour occuper les absences d’Antoine. Lui, continua de parler, de chercher une explication rationnelle, évidente à la chute de Pierre. C’était il y a longtemps déjà, cette perte de mémoire subite, cette amputation d’un frère, son seul et véritable ami. Elle, Pleura sur L’hymne à l’amour avant que le disque ne s’arrête de tourner. L’année 1968.

Toutes ces questions qu’Antoine C. Beauregard se posait sans cesse étaient consignées dans ce qui représentait aujourd’hui une collection assez conséquente de carnets scrupuleusement numérotés. Les carnets d’Antoine et ceux de sa mère.

« Qu’est-ce qu’il croyait ce p’tit con !?... »


(À SUIVRE)



LIRE LE TEXTE INTÉGRAL



dimanche 15 mars 2009

BASHUNG 1947-2009



ALAIN BASHUNG 1947 - 2009
DERNIER "VOYAGE EN SOLITAIRE"


samedi 14 mars 2009

LE COUP DE CHAUD / X



(ROMAN EN LIGNE)
LE COUP DE CHAUD
-10-



Un roman... et c'est évidemment Tony™ qui s'y recolle ! Sacré Tony ™ ! Un roman... ou une somme de lignes superposées au mouvement de l'air ambiant. Un de ces procédés écologiques pour dire la couleur verte qui lui coule dans les yeux au lieu d'une industrie lourde incapable de le distraire vraiment. Un roman... disons plutôt une correction à la volée d'un vieux manuscrit laissé pour compte par faute de temps, l'été 2003. Le coup de chaud... où ce qui arrive à force de prendre des douches froides au travers du cadre strict d'une météo de merde. Le coup de chaud ou une façon de décliner un paquet d'histoires anciennes, des engrenages, la mécanique rouillée des passions en retard. L'effort illuminé d'en découdre avec ses vieilles leçons de voyages, les malles défaites un peu partout dans le coeur de gens admirables et réconfortants. Le coup de chaud... comme on dirait : de La poésie, le cinéma... un tas d'emmerdements à la fin.


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CHAPITRE 6
MORT AU PILIER DU FRENEY
(DEUXIÈME PARTIE )



Jeudi, Quai du Vert Galant.
Je le sens bouger. Pas seulement un pressentiment, non ! mais un véritable mouvement. Je n’ai encore rien dit à Charles. Je ne suis sûr de rien d’ailleurs, on est jamais sûr de rien. J’ai vu NotoriousX avec Ingrid Bergman et Rose. Ensuite on est allé boire un café, elle m’a dit que le film serait présenté dans ce festival dont tout le monde parle. Cary Grant est vraiment beau. Il faut dire que les autres dans le film ?!... Je ne sais pas pourquoi Rose veut toujours m’emmener voir des films pareils ? Elle adore les intrigues et les histoires tordues. Aujourd’hui un type m’a prise en photo devant la Seine avec ma machine portative sur les genoux. Un type sympathique. Il disposait d’un appareil plutôt impressionnant, m’a dit que l’angle était bon, que je ne devais plus bouger, et je me suis laissé faire. J’ai tout de même gardé mes lunettes de soleil. Après, le type, un véritable artiste... m’a montré quelques tirages dont il semblait très fier. Des images franchement intéressantes comme ces glaneurs de charbon sur le canal St Denis ou la concierge de la rue Jacob. La dame n’a pas l’air commode ! Des choses très drôles aussi comme ces enfants du 13e qui marchent sur les mains ou bien une amusante mariée chez Gégène à Joinville-le-Pont. Je ne sais pas si l’on se reverra, parce qu’il m’a dit qu’il partait faire un reportage en Yougoslavie bientôt. Il voyage beaucoup. J’aimerais quand même bien voir un jour la photo ! (...)

-X- Les enchaînés, un des meilleurs films d’A. Hitchcock et du premier festival de cannes présenté au public en 1946

Le journal poursuivait :

« L’homme naît avec la faculté de recevoir des sensations, d’apercevoir et de distinguer, dans celles qu’il reçoit, les sensations simples dont elles sont composées, de les retenir, de les reconnaître, de les combiner, de conserver ou de rappeler dans sa mémoire, de comparer entre elles ces combinaisons, de saisir ce qu’elles ont de commun et ce qui les distingue, d’attacher des signes à tous ces objets, pour les reconnaître mieux, et s’en faciliter de nouvelles combinaisons.
Cette faculté se développe en lui par l’action des choses extérieures, c’est à dire par la présence de certaines sensations composées, dont la constance, soit dans l’identité de leur ensemble, soit dans les lois de leurs changements, est indépendante de lui. Il l’exerce également par la communication avec des individus semblables à lui ; enfin, par des moyens artificiels, qu’après le premier développement de cette même faculté, les hommes sont parvenus à inventer.
Les sensations sont accompagnées de plaisir et de douleur ; et l’homme a de même la faculté de transformer ses impressions momentanées en sentiments durables, doux ou pénibles ; d’éprouver des sentiments à la vue ou au souvenir des plaisirs ou des douleurs des autres êtres sensibles. Enfin, de cette faculté unie à celle de former et de combiner des idées, naissent, entre lui et ses semblables, des relations d’intérêt et de devoir, auxquelles la nature même à voulu attacher la portion la plus précieuse de notre bonheur et les plus douloureux de nos maux.
Si l’on se borne à observer, à connaître les faits généraux et les lois constantes que présente le développement de ces facultés, dans ce qu’il a de commun aux divers individus de l’espèce humaine, cette science porte le nom de métaphysique(X) ».

Jean-Antoine-Nicolas Caritat, Marquis de Condorcet


-X- Déf : Recherche rationnelle ayant pour objet la connaissance de l’être absolu, des causes de l’univers et des principes premiers de la connaissance. (Dans le cas du Marquis de Condorcet, « L’esquisse » de ces beaux principes s’achève en prison sous « la terreur », qui le condamne à la guillotine. L’apôtre de la défense des droits de l’homme, des femmes, et des noirs ; « le girondin » opposé aux « Montagnards » de la convention, refusant de voter la peine de mort pour Louis XVI ; s’empoisonna dans sa cellule de Bourg-la-Reine le 2 8 mars 1794 pour échapper à l’échafaud).


Pour l’heure, Antoine s’était borné, à ce point final d’un début d’esquisse « d’humanité perfectible à l’infini » dans l’art et la manière de savoir ce qui pouvait bien se passer d’un peu étrange dans le liquide placentaire après plusieurs mois de grossesse. La phrase était rajoutée à la marge de l’opus républicain recopié par sa mère, bien des années plutôt.

-Le truc de Condorcet... c’était les « probabilités ». Finit par répliquer Pierre, lassé de jouer les potiches face aux déblatérations tortueuses et abscondes de son camarade de jeu très en verve du moment.
-Pardon ?
-Les calculs de probabilité, je te dis. Pierre, affligé, mais sûr de ses chiffres, matait l’accumulation de notes éparpillées sur le cahier d’Antoine depuis ses lunettes de glacier. Un modèle Cébé™ fabriqué à Frasne dans le Doubs(X)...
-T’as pas froid aux yeux avec des loupes pareilles ? Avec tes verres, on dirait une mouche je te jure ! Antoine interposa son avant-bras en forme de barricade à ses figures intimes.
-Ha, ha !... Pierre se gaussa, ajustant sa mire très haut vers les pentes neigeuses et leurs rimayes respectives.
-Condorcet... son truc, c’était la crédibilité des conjonctures par le moyen des lois mesurables. Tout le contraire de toi. Demande, si tu sais pas.
-Et ça lui a coûté sa tête... ou moins une ! C’est-à-dire que dans son cas, la bonne mesure pu être celle de sa taille par exemple... mais déduite de sa tête de p’tit matheux dont personne n’avait rien à foutre à ce moment-là.
-T’es vraiment con !
-Parce que toi, tu l’a lu Condorcet ! Antoine referma son bloc-notes et visa très haut à son tour.
Pierre s’enfila dans la brèche pour occuper à nouveau le terrain.
-Son truc, articula Pierre, c’était : L’analyse de la règle générale qui prescrit de prendre pour valeur d’un événement incertain la probabilité de cet événement multipliée par la valeur de cet événement en lui-même. Ça t’en bouche un coin ça hein ! Et il est probable que dans « la cheminée » d’où nous sommes parti, le pas de VI... te pose un sérieux problème mon petit lapin ! Aussi vrai qu’il y est pas mal de chances pour que je m’appelle Pierre et que je te colle une gaufre dans cette vacherie de cheminée à la con .
-Et toi, c’est quoi ton truc ? T’es ramoneur ? T’aimes pas « les montagnards » C’est ça ? (Antoine avait dit « Montagnards » par opposition aux girondins, vous l’aviez bien sûr entendu comme moi...)

Pierre avait conclu d’un : « S’il plait à Monsieur le Comte... » très haut perché sur un mouvement de tête inclinée qui marquait toujours chez lui, non la déférence imbécile à tous ces titres pompeux étalés dans la presse du dimanche après la messe... mais une sorte de vif encouragement à en terminer-là des beaux discours pendus à la lanterne d’un si triste empire philosophique.

-X- La marque en question, née en 1892 de la volonté de Carl Benz à disposer d’une paire de lunettes adaptée à sa conduite et à celle de son chien... débuta sa véritable success story à partir des années soixante-dix sur le secteur de l’équipement de loisirs. En 2007, le groupe italien Marcolin, propriétaire de la marque délocalisée en chine depuis 1999, annoncerait la fermeture de sa bonne vieille usine de Frasne, dans le Doubs, et le licenciement de 92 personnes. Cette année-là le groupe confirmerait aussi un chiffre d’affaire assez confortable de16 millions d’euros.

Le beau temps était annoncé pour au moins trois jours dans toutes les alpes du nord. Les informations émanaient du centre local de météo France qui confirmait les prévisions générales de la station de Genève.

Beau temps sur toutes les vallées de l’Arve, du Faucigny et du Beaufortain. Du col de la Faucille au col de l’Iseran. Un vent modéré en vallée, plus sensible toutefois au-dessus de 3000m. Précisions pour la haute montagne : Se méfier d’un possible mouvement de température à la hausse cette nuit qui pourrait entraîner un isotherme, 1000m au-dessus d’une moyenne satisfaisante pour de bonnes conditions de gel.


(À SUIVRE)





vendredi 13 mars 2009

PHOTOMOBILE™ - 205


LES PHOTOMOBILES DE JL GANTNER

(Des images réalisées à partir de son téléphone portable, ses communications régulièrement mises "en ligne". Tout un commerce d'échange et totalement inutile de libres transports avec un vrai mobile d'une bonne marque™ collée sur l'écran. "De l'art moderne" pour ceux qui en douterait, comme on dit aussi "De l'électronique embarquée" ou "De la pression dans un pipe line" )



SANS DESSUS DESSOUS

PHOTOMOBILE N°205 LA ROBE À FLEURS /JL GANTNER 2007
Message envoyé de la forêt de Chaource. France
28 août 2007 à 5H17 GMT



Je ne sais plus ce qui a déclenché la prise de vue ? La robe ou l'herbe un peu piquante sous les pieds... Disons un peu des deux et puis cette ombre d'un poirier surtout. Le genre de poirier pour s'accrocher dessus à la force des bras. L'avantage avec les poiriers, c'est qu'on peut facilement grimper dessus, et se sentir bien dessous en été. Je dis ça sans aucun sens précis. Je dis ça juste pour parler... Une robe et elle dessous. Une joie robe avec des fleurs partout.



LES PHOTOMOBILES™ DE JL GANTNER SONT VISIBLES À LA GALERIE LA PRÉDELLE À BESANCON


mercredi 11 mars 2009

LE COUP DE CHAUD / IX



(ROMAN EN LIGNE)
LE COUP DE CHAUD
-9-



Un roman... et c'est évidemment Tony™ qui s'y recolle ! Sacré Tony ™ ! Un roman... ou une somme de lignes superposées au mouvement de l'air ambiant. Un de ces procédés écologiques pour dire la couleur verte qui lui coule dans les yeux au lieu d'une industrie lourde incapable de le distraire vraiment. Un roman... disons plutôt une correction à la volée d'un vieux manuscrit laissé pour compte par faute de temps, l'été 2003. Le coup de chaud... où ce qui arrive à force de prendre des douches froides au travers du cadre strict d'une météo de merde. Le coup de chaud ou une façon de décliner un paquet d'histoires anciennes, des engrenages, la mécanique rouillée des passions en retard. L'effort illuminé d'en découdre avec ses vieilles leçons de voyages, les malles défaites un peu partout dans le coeur de gens admirables et réconfortants. Le coup de chaud... comme on dirait : de La poésie, le cinéma... un tas d'emmerdements à la fin.


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CHAPITRE 6
MORT AU PILIER DU FRENEY
(PREMIÈRE PARTIE / SUITE)


-Vacherie ! S’exclama Pierre comme percé de toutes les pointes de ses équerres scolaires. Tu savais que c’était du VI dans la cheminée surplombante ?!...
-Qu’elle cheminée ?
Pierre leva les yeux vers le toit du bureau de poste.

Pierre et Antoine sont assis à La terrasse, le café moderne style appuyé sur la rive droite de l’Arve. Un point de vue de carte postale sur le massif du Mont-blanc et sur toutes les filles qui se croisent en nuée hallucinante sous le totem en bronze vert de la place Balmat. (L’allégorie métallique de la conquête, bien entretenue à l’adresse des découvreurs du sommet le plus photographié du monde). Une foule de monchus des deux sexes s’y pressait chaque jour, dont Antoine cherchait à s’expliquer les douteuses intentions, lorsque ces touristes-là prenaient la pause, à peu près toujours la même, pour se faire tirer le portrait-souvenir au premier plan de l’entrejambe des deux aventuriers les plus célèbres des Alpes. Antoine, se souvenant aussi d’une littérature célébrée dans des cahiers intimes de sa mère... ne pouvait s’empêcher de voir en cet aggloméré de métal forgé, le symbole phallique au pied duquel une grande partie de l’humanité s’exerçait à s’offrir. L’image du pèlerinage phallocentrique défilant en flux compact au pied des neiges éternelles, l’amusait chaque fois. Un rendement couard et affreusement bruyant sous l’élément des hauteurs virginales de la terre. L’alpiniste mesurait d’autant mieux ce hâle ostensible de la foule banale... que le jeune homme s’efforçait à inscrire son action dans un effort de transcendance virile. Un noble combat qu’Antoine tentait de coucher sur son carnet de courses.

L’aventure montagnarde constitue bien en cette expérience de la raison humaine confrontée à son désespoir amoureux. Une formidable expérience de la prédominance masculine pour le progrès de l’espèce...

La preuve était considérable dans les défis que les deux jeunes gens se lançaient sans cesse sur les cimes et qui égaraient les filles lorsqu’ils redescendaient.

Oui, l’esprit de conquête fut bien de tout temps l’apanage du sexe fort et joua même une sorte de rôle essentiel au perfectionnement du monde libre et civilisé. En substance, je vis personnellement cet effet dramatique d’une noble semence éjectée de son enveloppe naturelle, alors qu’une nature abstraite refusait d’y souscrire entièrement. Une certaine dynamique de la dispersion engendrée par l’humeur exécrable d’une jeune réceptrice non consentante. Exception faite de cas très rares, et particulièrement bien dotés... un tel comportement de sa partenaire provoque une rupture de la chaîne instinctive d’actions-réactions combinées, obéissant à des lois universelles de la reproduction, oui... indispensable à sa survie. Si l’on voulait aller plus loin... Prenez Darwin, la Théorie de la sélection sexuelle de Darwin, 1871. Et considérez qu’une augmentation importante de la descendance des mâles préférés, au sein de l’espèce, permet bien l’évolution des caractères, par ailleurs, affirme-t’il... sans intérêt. Mais bon passons !...
Bef ! D’aucun comprendra qu’il est au demeurant plus estimable qu’une jeune femme se laissât prendre d’un amour absolu pour le garçon de sa vie et se réserve entièrement pour lui, au lieu d’à moitié concéder son pucelage à n’importe quel camionneur de passage... En pure perte donc !

Et pour en terminer ! écrivit encore « l’alpinietzsche » pour en terminer là d’une vengeance lentement préméditée à l’adresse de cette espèce de transporteur d’âme un peu simple et forceur de boutons... ce routier !... La femme donne la vie, un privilège homogène à toutes les espèces ou presque... Mais le mâle, ainsi dégagé du rôle aliénant de la gestation, à cette capacité extraordinaire de disposer du temps nécessaire à forger sa destinée à la hauteur de ses ambitions. « La transcendance de la vie par l’existence... » qui caractérise la supériorité de l’espèce humaine sur le règne animal est donc bien l’apanage des hommes. Dés lors, et ne serait-ce que par respect au moins de cette nature supérieure consentie à leur endroit, ceux-là ne doivent avoir de cesse de batailler avec acharnement pour défendre leur temps libre...

Antoine conclut plutôt abruptement sur une véritable pensée de gauche. Ce que pierre lui fit remarquer tout de suite.

Le « naturaliste » compta les filles. Toutes les filles formidables qui vadrouillaient sans raison dans l’air pathétique d’une fin d’après-midi terminée dans l’oxygène raréfié chamoniard. Le « naturaliste » esquissa quelques traits sur son carnet à spirale, deux ou trois figures volées dans la foule au nez et à la barbe de Pierre qui leur trouva un air triste et « malheureuses »... les gomma franchement, s’appliqua de nouveau sur la forme aléatoire d’un papillon... une forme au hasard, une idée lancée au conditionnel pour ne rien décréter à l’avance d’irréversible... Non, pour ne rien présumer d’un bleu extraordinaire épanoui sur les deux ailes d’un lépidoptère exotique, un Morpho cypris de Colombie, parfaitement incapable de survivre plus d’une minute sous cette latitude en pareille saison. Antoine, ravi, entreprit Pierre sur cette preuve supplémentaire quant à la prédominance du monde sensible sur les mathématiques bien réglées de son monde un peu étriqué.

L’abstraction n’avait-elle pas cette vertu considérable contre l’aliénation, en luttant contre l’ordre établi !...

Pierre, écoeuré, préféra ne rien répondre franchement.

En conséquences, Antoine enfonça l’argument de l’impossible bleu du papillon colombien qui persistait pourtant sous cette latitude sans aucune réalité tangible d’un point de vue rationnel, alors qu’une quantité d’adrénaline parfaitement mesurable sur le plan scientifique, continuait de se répandre dans les avant-bras de son compagnon de cordée. La preuve de la pertinence du monde sensible et son corollaire de sensations fortes étaient là, palpables au-dessus de leur tête, sur des montagnes dont ils ignoraient encore l’essentiel mais qui déjà, exerçaient sur eux un pouvoir fascinant.

Un « Ta gueule ! Putain tu fais chier... » planta nette la tentative d’Antoine de poursuivre son raisonnement sur les conséquences possibles de l’abstraction.




(À SUIVRE)