(ROMAN EN LIGNE)
LE COUP DE CHAUD
-10-
LE COUP DE CHAUD
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Un roman... et c'est évidemment Tony™ qui s'y recolle ! Sacré Tony ™ ! Un roman... ou une somme de lignes superposées au mouvement de l'air ambiant. Un de ces procédés écologiques pour dire la couleur verte qui lui coule dans les yeux au lieu d'une industrie lourde incapable de le distraire vraiment. Un roman... disons plutôt une correction à la volée d'un vieux manuscrit laissé pour compte par faute de temps, l'été 2003. Le coup de chaud... où ce qui arrive à force de prendre des douches froides au travers du cadre strict d'une météo de merde. Le coup de chaud ou une façon de décliner un paquet d'histoires anciennes, des engrenages, la mécanique rouillée des passions en retard. L'effort illuminé d'en découdre avec ses vieilles leçons de voyages, les malles défaites un peu partout dans le coeur de gens admirables et réconfortants. Le coup de chaud... comme on dirait : de La poésie, le cinéma... un tas d'emmerdements à la fin.
CHAPITRE 6
MORT AU PILIER DU FRENEY
(DEUXIÈME PARTIE )
Jeudi, Quai du Vert Galant.
Je le sens bouger. Pas seulement un pressentiment, non ! mais un véritable mouvement. Je n’ai encore rien dit à Charles. Je ne suis sûr de rien d’ailleurs, on est jamais sûr de rien. J’ai vu NotoriousX avec Ingrid Bergman et Rose. Ensuite on est allé boire un café, elle m’a dit que le film serait présenté dans ce festival dont tout le monde parle. Cary Grant est vraiment beau. Il faut dire que les autres dans le film ?!... Je ne sais pas pourquoi Rose veut toujours m’emmener voir des films pareils ? Elle adore les intrigues et les histoires tordues. Aujourd’hui un type m’a prise en photo devant la Seine avec ma machine portative sur les genoux. Un type sympathique. Il disposait d’un appareil plutôt impressionnant, m’a dit que l’angle était bon, que je ne devais plus bouger, et je me suis laissé faire. J’ai tout de même gardé mes lunettes de soleil. Après, le type, un véritable artiste... m’a montré quelques tirages dont il semblait très fier. Des images franchement intéressantes comme ces glaneurs de charbon sur le canal St Denis ou la concierge de la rue Jacob. La dame n’a pas l’air commode ! Des choses très drôles aussi comme ces enfants du 13e qui marchent sur les mains ou bien une amusante mariée chez Gégène à Joinville-le-Pont. Je ne sais pas si l’on se reverra, parce qu’il m’a dit qu’il partait faire un reportage en Yougoslavie bientôt. Il voyage beaucoup. J’aimerais quand même bien voir un jour la photo ! (...)
-X- Les enchaînés, un des meilleurs films d’A. Hitchcock et du premier festival de cannes présenté au public en 1946
Le journal poursuivait :
« L’homme naît avec la faculté de recevoir des sensations, d’apercevoir et de distinguer, dans celles qu’il reçoit, les sensations simples dont elles sont composées, de les retenir, de les reconnaître, de les combiner, de conserver ou de rappeler dans sa mémoire, de comparer entre elles ces combinaisons, de saisir ce qu’elles ont de commun et ce qui les distingue, d’attacher des signes à tous ces objets, pour les reconnaître mieux, et s’en faciliter de nouvelles combinaisons.
Cette faculté se développe en lui par l’action des choses extérieures, c’est à dire par la présence de certaines sensations composées, dont la constance, soit dans l’identité de leur ensemble, soit dans les lois de leurs changements, est indépendante de lui. Il l’exerce également par la communication avec des individus semblables à lui ; enfin, par des moyens artificiels, qu’après le premier développement de cette même faculté, les hommes sont parvenus à inventer.
Les sensations sont accompagnées de plaisir et de douleur ; et l’homme a de même la faculté de transformer ses impressions momentanées en sentiments durables, doux ou pénibles ; d’éprouver des sentiments à la vue ou au souvenir des plaisirs ou des douleurs des autres êtres sensibles. Enfin, de cette faculté unie à celle de former et de combiner des idées, naissent, entre lui et ses semblables, des relations d’intérêt et de devoir, auxquelles la nature même à voulu attacher la portion la plus précieuse de notre bonheur et les plus douloureux de nos maux.
Si l’on se borne à observer, à connaître les faits généraux et les lois constantes que présente le développement de ces facultés, dans ce qu’il a de commun aux divers individus de l’espèce humaine, cette science porte le nom de métaphysique(X) ».
Jean-Antoine-Nicolas Caritat, Marquis de Condorcet
-X- Déf : Recherche rationnelle ayant pour objet la connaissance de l’être absolu, des causes de l’univers et des principes premiers de la connaissance. (Dans le cas du Marquis de Condorcet, « L’esquisse » de ces beaux principes s’achève en prison sous « la terreur », qui le condamne à la guillotine. L’apôtre de la défense des droits de l’homme, des femmes, et des noirs ; « le girondin » opposé aux « Montagnards » de la convention, refusant de voter la peine de mort pour Louis XVI ; s’empoisonna dans sa cellule de Bourg-la-Reine le 2 8 mars 1794 pour échapper à l’échafaud).
Pour l’heure, Antoine s’était borné, à ce point final d’un début d’esquisse « d’humanité perfectible à l’infini » dans l’art et la manière de savoir ce qui pouvait bien se passer d’un peu étrange dans le liquide placentaire après plusieurs mois de grossesse. La phrase était rajoutée à la marge de l’opus républicain recopié par sa mère, bien des années plutôt.
-Le truc de Condorcet... c’était les « probabilités ». Finit par répliquer Pierre, lassé de jouer les potiches face aux déblatérations tortueuses et abscondes de son camarade de jeu très en verve du moment.
-Pardon ?
-Les calculs de probabilité, je te dis. Pierre, affligé, mais sûr de ses chiffres, matait l’accumulation de notes éparpillées sur le cahier d’Antoine depuis ses lunettes de glacier. Un modèle Cébé™ fabriqué à Frasne dans le Doubs(X)...
-T’as pas froid aux yeux avec des loupes pareilles ? Avec tes verres, on dirait une mouche je te jure ! Antoine interposa son avant-bras en forme de barricade à ses figures intimes.
-Ha, ha !... Pierre se gaussa, ajustant sa mire très haut vers les pentes neigeuses et leurs rimayes respectives.
-Condorcet... son truc, c’était la crédibilité des conjonctures par le moyen des lois mesurables. Tout le contraire de toi. Demande, si tu sais pas.
-Et ça lui a coûté sa tête... ou moins une ! C’est-à-dire que dans son cas, la bonne mesure pu être celle de sa taille par exemple... mais déduite de sa tête de p’tit matheux dont personne n’avait rien à foutre à ce moment-là.
-T’es vraiment con !
-Parce que toi, tu l’a lu Condorcet ! Antoine referma son bloc-notes et visa très haut à son tour.
Pierre s’enfila dans la brèche pour occuper à nouveau le terrain.
-Son truc, articula Pierre, c’était : L’analyse de la règle générale qui prescrit de prendre pour valeur d’un événement incertain la probabilité de cet événement multipliée par la valeur de cet événement en lui-même. Ça t’en bouche un coin ça hein ! Et il est probable que dans « la cheminée » d’où nous sommes parti, le pas de VI... te pose un sérieux problème mon petit lapin ! Aussi vrai qu’il y est pas mal de chances pour que je m’appelle Pierre et que je te colle une gaufre dans cette vacherie de cheminée à la con .
-Et toi, c’est quoi ton truc ? T’es ramoneur ? T’aimes pas « les montagnards » C’est ça ? (Antoine avait dit « Montagnards » par opposition aux girondins, vous l’aviez bien sûr entendu comme moi...)
Pierre avait conclu d’un : « S’il plait à Monsieur le Comte... » très haut perché sur un mouvement de tête inclinée qui marquait toujours chez lui, non la déférence imbécile à tous ces titres pompeux étalés dans la presse du dimanche après la messe... mais une sorte de vif encouragement à en terminer-là des beaux discours pendus à la lanterne d’un si triste empire philosophique.
-X- La marque en question, née en 1892 de la volonté de Carl Benz à disposer d’une paire de lunettes adaptée à sa conduite et à celle de son chien... débuta sa véritable success story à partir des années soixante-dix sur le secteur de l’équipement de loisirs. En 2007, le groupe italien Marcolin, propriétaire de la marque délocalisée en chine depuis 1999, annoncerait la fermeture de sa bonne vieille usine de Frasne, dans le Doubs, et le licenciement de 92 personnes. Cette année-là le groupe confirmerait aussi un chiffre d’affaire assez confortable de16 millions d’euros.
Le beau temps était annoncé pour au moins trois jours dans toutes les alpes du nord. Les informations émanaient du centre local de météo France qui confirmait les prévisions générales de la station de Genève.
Beau temps sur toutes les vallées de l’Arve, du Faucigny et du Beaufortain. Du col de la Faucille au col de l’Iseran. Un vent modéré en vallée, plus sensible toutefois au-dessus de 3000m. Précisions pour la haute montagne : Se méfier d’un possible mouvement de température à la hausse cette nuit qui pourrait entraîner un isotherme, 1000m au-dessus d’une moyenne satisfaisante pour de bonnes conditions de gel.
(À SUIVRE)
MORT AU PILIER DU FRENEY
(DEUXIÈME PARTIE )
Jeudi, Quai du Vert Galant.
Je le sens bouger. Pas seulement un pressentiment, non ! mais un véritable mouvement. Je n’ai encore rien dit à Charles. Je ne suis sûr de rien d’ailleurs, on est jamais sûr de rien. J’ai vu NotoriousX avec Ingrid Bergman et Rose. Ensuite on est allé boire un café, elle m’a dit que le film serait présenté dans ce festival dont tout le monde parle. Cary Grant est vraiment beau. Il faut dire que les autres dans le film ?!... Je ne sais pas pourquoi Rose veut toujours m’emmener voir des films pareils ? Elle adore les intrigues et les histoires tordues. Aujourd’hui un type m’a prise en photo devant la Seine avec ma machine portative sur les genoux. Un type sympathique. Il disposait d’un appareil plutôt impressionnant, m’a dit que l’angle était bon, que je ne devais plus bouger, et je me suis laissé faire. J’ai tout de même gardé mes lunettes de soleil. Après, le type, un véritable artiste... m’a montré quelques tirages dont il semblait très fier. Des images franchement intéressantes comme ces glaneurs de charbon sur le canal St Denis ou la concierge de la rue Jacob. La dame n’a pas l’air commode ! Des choses très drôles aussi comme ces enfants du 13e qui marchent sur les mains ou bien une amusante mariée chez Gégène à Joinville-le-Pont. Je ne sais pas si l’on se reverra, parce qu’il m’a dit qu’il partait faire un reportage en Yougoslavie bientôt. Il voyage beaucoup. J’aimerais quand même bien voir un jour la photo ! (...)
-X- Les enchaînés, un des meilleurs films d’A. Hitchcock et du premier festival de cannes présenté au public en 1946
Le journal poursuivait :
« L’homme naît avec la faculté de recevoir des sensations, d’apercevoir et de distinguer, dans celles qu’il reçoit, les sensations simples dont elles sont composées, de les retenir, de les reconnaître, de les combiner, de conserver ou de rappeler dans sa mémoire, de comparer entre elles ces combinaisons, de saisir ce qu’elles ont de commun et ce qui les distingue, d’attacher des signes à tous ces objets, pour les reconnaître mieux, et s’en faciliter de nouvelles combinaisons.
Cette faculté se développe en lui par l’action des choses extérieures, c’est à dire par la présence de certaines sensations composées, dont la constance, soit dans l’identité de leur ensemble, soit dans les lois de leurs changements, est indépendante de lui. Il l’exerce également par la communication avec des individus semblables à lui ; enfin, par des moyens artificiels, qu’après le premier développement de cette même faculté, les hommes sont parvenus à inventer.
Les sensations sont accompagnées de plaisir et de douleur ; et l’homme a de même la faculté de transformer ses impressions momentanées en sentiments durables, doux ou pénibles ; d’éprouver des sentiments à la vue ou au souvenir des plaisirs ou des douleurs des autres êtres sensibles. Enfin, de cette faculté unie à celle de former et de combiner des idées, naissent, entre lui et ses semblables, des relations d’intérêt et de devoir, auxquelles la nature même à voulu attacher la portion la plus précieuse de notre bonheur et les plus douloureux de nos maux.
Si l’on se borne à observer, à connaître les faits généraux et les lois constantes que présente le développement de ces facultés, dans ce qu’il a de commun aux divers individus de l’espèce humaine, cette science porte le nom de métaphysique(X) ».
Jean-Antoine-Nicolas Caritat, Marquis de Condorcet
-X- Déf : Recherche rationnelle ayant pour objet la connaissance de l’être absolu, des causes de l’univers et des principes premiers de la connaissance. (Dans le cas du Marquis de Condorcet, « L’esquisse » de ces beaux principes s’achève en prison sous « la terreur », qui le condamne à la guillotine. L’apôtre de la défense des droits de l’homme, des femmes, et des noirs ; « le girondin » opposé aux « Montagnards » de la convention, refusant de voter la peine de mort pour Louis XVI ; s’empoisonna dans sa cellule de Bourg-la-Reine le 2 8 mars 1794 pour échapper à l’échafaud).
Pour l’heure, Antoine s’était borné, à ce point final d’un début d’esquisse « d’humanité perfectible à l’infini » dans l’art et la manière de savoir ce qui pouvait bien se passer d’un peu étrange dans le liquide placentaire après plusieurs mois de grossesse. La phrase était rajoutée à la marge de l’opus républicain recopié par sa mère, bien des années plutôt.
-Le truc de Condorcet... c’était les « probabilités ». Finit par répliquer Pierre, lassé de jouer les potiches face aux déblatérations tortueuses et abscondes de son camarade de jeu très en verve du moment.
-Pardon ?
-Les calculs de probabilité, je te dis. Pierre, affligé, mais sûr de ses chiffres, matait l’accumulation de notes éparpillées sur le cahier d’Antoine depuis ses lunettes de glacier. Un modèle Cébé™ fabriqué à Frasne dans le Doubs(X)...
-T’as pas froid aux yeux avec des loupes pareilles ? Avec tes verres, on dirait une mouche je te jure ! Antoine interposa son avant-bras en forme de barricade à ses figures intimes.
-Ha, ha !... Pierre se gaussa, ajustant sa mire très haut vers les pentes neigeuses et leurs rimayes respectives.
-Condorcet... son truc, c’était la crédibilité des conjonctures par le moyen des lois mesurables. Tout le contraire de toi. Demande, si tu sais pas.
-Et ça lui a coûté sa tête... ou moins une ! C’est-à-dire que dans son cas, la bonne mesure pu être celle de sa taille par exemple... mais déduite de sa tête de p’tit matheux dont personne n’avait rien à foutre à ce moment-là.
-T’es vraiment con !
-Parce que toi, tu l’a lu Condorcet ! Antoine referma son bloc-notes et visa très haut à son tour.
Pierre s’enfila dans la brèche pour occuper à nouveau le terrain.
-Son truc, articula Pierre, c’était : L’analyse de la règle générale qui prescrit de prendre pour valeur d’un événement incertain la probabilité de cet événement multipliée par la valeur de cet événement en lui-même. Ça t’en bouche un coin ça hein ! Et il est probable que dans « la cheminée » d’où nous sommes parti, le pas de VI... te pose un sérieux problème mon petit lapin ! Aussi vrai qu’il y est pas mal de chances pour que je m’appelle Pierre et que je te colle une gaufre dans cette vacherie de cheminée à la con .
-Et toi, c’est quoi ton truc ? T’es ramoneur ? T’aimes pas « les montagnards » C’est ça ? (Antoine avait dit « Montagnards » par opposition aux girondins, vous l’aviez bien sûr entendu comme moi...)
Pierre avait conclu d’un : « S’il plait à Monsieur le Comte... » très haut perché sur un mouvement de tête inclinée qui marquait toujours chez lui, non la déférence imbécile à tous ces titres pompeux étalés dans la presse du dimanche après la messe... mais une sorte de vif encouragement à en terminer-là des beaux discours pendus à la lanterne d’un si triste empire philosophique.
-X- La marque en question, née en 1892 de la volonté de Carl Benz à disposer d’une paire de lunettes adaptée à sa conduite et à celle de son chien... débuta sa véritable success story à partir des années soixante-dix sur le secteur de l’équipement de loisirs. En 2007, le groupe italien Marcolin, propriétaire de la marque délocalisée en chine depuis 1999, annoncerait la fermeture de sa bonne vieille usine de Frasne, dans le Doubs, et le licenciement de 92 personnes. Cette année-là le groupe confirmerait aussi un chiffre d’affaire assez confortable de16 millions d’euros.
Le beau temps était annoncé pour au moins trois jours dans toutes les alpes du nord. Les informations émanaient du centre local de météo France qui confirmait les prévisions générales de la station de Genève.
Beau temps sur toutes les vallées de l’Arve, du Faucigny et du Beaufortain. Du col de la Faucille au col de l’Iseran. Un vent modéré en vallée, plus sensible toutefois au-dessus de 3000m. Précisions pour la haute montagne : Se méfier d’un possible mouvement de température à la hausse cette nuit qui pourrait entraîner un isotherme, 1000m au-dessus d’une moyenne satisfaisante pour de bonnes conditions de gel.
(À SUIVRE)