mardi 15 mars 2011

LILI ET DONOMA


Les tribulations cinématographiques de Lili...

Choisit-on vraiment d'aimer ?




LILI GANTNER ET BUSTER ADAMS /95 BEAUMARCHAIS © DJINN CARRÉNARD


Lili sur les planches ou Lili au cinoche… Bon, et bien voilà qu'après une année passée sur la scène de quelques théâtres de poche parisien en marge de ses heures perdues à tenter d'en découdre avec des études de civilisation anglaise à Paris IV, la demoiselle décide maintenant de croiser la route d'un batteur de hard corps en pleine séance de "masterisation", et de jouer la comédie pour la caméra d'un jeune réalisateur étonnant/détonnant.



DJINN CARRÉNARD, RÉALISATEUR

Djinn Carrénard a fait le détour par le festival de Cannes en 2010 sur l'invitation de l'ACID (Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion). Un tapis rouge pour un metteur en scène carrément doué avec sa caméra nouée autour du cou à la place d'une cravate tendue à partir du nombril. Le genre de type qui n'a pas froid aux yeux malgré les Ray ban™ qu'il a oublié se s'acheter, et qui préfère la chaleur torride des projecteurs naturels pour cramer les paupières des gens blasés. Du cinéma comme une certaine télévision d'aujourd'hui n'aimerait plus en faire… (ni en fer… ni d'aucun autre métal non plus qui permettrait pourtant de se la péter sévère sur un podium olympique de la discipline !) Du cinéma qui casse la baraque sans effet de foire, ni pompon à attraper au milieu de la séance. Un cinéma dans lequel Djinn est à la fois scénariste, metteur en scène, Directeur de la photographie, opérateur de prises de vues et chef monteur. Le tout avec un résultat… Tout simplement désespérant pour les lourdes machineries convenues de quelques tour operators corporatistes, sectaires et péremptoires… d'une profession audiovisuelle ; Oui, quand même un peu larguée ces temps derniers (et pour rester un instant sur le terrain d'une sorte de télévision à papa qui prétendrait détenir le savoir incontestable d'une bonne image, de la meilleure image qu'il faut faire pour contenter son actionnaire ou satisfaire à ses obligations de service public pour pas trop cher… D'une belle image bien statique et tout ce qu'il faut de parfaitement convenu pour ne pas trop déranger non plus. Une bonne petite image à sa mémère a refourguer chaque jour à ses gentils clients bien sages et propres sur eux. Ahhh, la télévision !… Cette sacrée"camelotte" qui infuse dorénavant jusqu'à la mémoire vive de nos chers téléphones portables, au lieu d'une paire de lignes obscures d'un Monsieur Flaubert par exemple, ou d'une bande muette de Murnau… De leurs effets indésirables sur la santé de l'économie générale. Pouahhh !…

Oui, voilà. Préférez donc un grand écran, dans un modèle très "Indépendant" au lieu d'une plaque au plasma qui laisse des traces indélébiles dans le décor tragique de notre environnement moderne. Un écran large aux côtés incertains. Un écran large pour pouvoir étaler nos idées neuves et une belle palette de couleurs vives par dessus. Un écran large d'esprit, et sa profondeur de champ un peu floue pour ne pas chercher à tout comprendre tout de suite du temps qui passe à ne plus rien lire ou à ne plus rien voir vraiment dans le chant triste des étoiles filantes.


"On a fait ce film un peu de la manière dont il ne faut pas faire des films"



JINN CARRÉNARD, RÉALISATEUR

"On a fait ce film un peu de la manière dont il ne faut pas faire des films" dit Djinn à propos de son travail. Voilà bien cette manière qui rapproche cet artiste, ce nouvel enfant prodige du cinéma français, d'un Godard pétrifié dans ces années soixante comme un photon s'agite sur son chant électromagnétique primordial. (Hé, Jean-Luc ! Sors un peu de ta vieille carcasse toute moisie qu'on discute un peu d'un gars qui vient de tout comprendre du cinéma que tu avais inventé.) Djinn… ou le truc d'un type incrusté dans son époque parce qu'on avait aussi un peu oublié de l'y inviter. "J'étais seul pour cadrer. Alors au lieu de m’échiner à faire le point le plus vite possible, ce qui aurait rendu plus flagrantes mes difficultés, j’ai tenté de placer la mise au point dans le registre de cette caméra comme intrus voyeur, en créant un rythme assimilable aux émotions ressenties par cet intrus. On retrouve ainsi une vision de caméra qui nous rappelle des vidéos vues sur Internet par des reporters populaires qui filment à la volée une action qui ne se passera qu’une seule fois". Quand je vous parlais de ce Vieux Godard !... Djinn ou le truc du grand reporter de guerre qui viendrait nous parler de l'amour des gens avec sa caméra à l'épaule et ses yeux brillants.

Une pépite cinématographique au budget pharaonique de "150€". Pas un sous de plus explique l'équipe. Une équipe… ou parlons plutôt d'une bande de comédiens éprouvés à la technique de l'improvisation. Une des clés qui fait le charme incomparable de Donoma.

Le cinéaste et peintre Joël Brisse dit à propos de "Donoma" que le film est "enthousiasmant, inventif et maîtrisé". "Ce jeune réalisateur, écrit l'auteur de "Suite parlée" déambule dans les destins de ses personnages et mine de rien, en toute liberté, pose les questions fondamentales à toute existence". Le rapprochement certain d'un Cassavetes s'il fallait en passer par quelques comparaisons académiques. "Un théâtre fait d'incertitudes et de réactions à fleur de peau" lit-on dans un article publié dans la revue Africultures. Bref ! Une bombe sous la forme d'un huit clos que personne n'avait jamais osé filmer comme ça. Un écran total pour se protéger des coups de soleil faciles et de la lumière ostensible des machins à réaction. Djinn Carrénard dont je me disais aussi qu'il ne travaillerait jamais à la télé. Où alors pas tout de suite. Ou alors dans longtemps…
Néon™