vendredi 18 mars 2011

MYRIAM DRIZARD AU MUSÉE COURBET



MYRIAM DRIZARD ACCROCHE AU MUSÉE COURBET
(FERME DE FLAGEY)


On venait d'annoncer à la radio la possibilité d'une résolution au conseil de sécurité de l'ONU pour envoyer des avions de guerre au dessus de la Libye. L'idée "française" d'obtenir un passeport diplomatique propre à défendre coute que coute les enclaves insurgées de Benghazi ou de Tobrouk.

C'était le jour où la planète entière avait les yeux rivés sur le Japon après que le pays du soleil levant eut à subir la pire catastrophe depuis les bombardements d' Iroshima et de Nagazaki. Un séisme d'une amplitude phénoménale suivi du Tsunami le plus grave jamais éprouvé dans une région accoutumée au confort moderne et à la technologie dernier cri. Des images "fascinantes" qui tournaient en boucle sur des milliards d'écrans et sans épargner la moindre surface du globe. Le jour où la terre entière eut à retenir son souffle face à l’image abasourdie de cette centrale Fukushima Daiichi sur le point d’exploser.



DEPUIS UN TÉLÉPHONE PORTABLE / © JL GANTNER 2011


C’était, oui… le jour où des spécialistes en tout genre tentaient de nous faire partager leurs maigres connaissances à propos d’un modèle de cœur en danger d'un genre nouveau, capable, de dégager une énergie considérable dans la lueur fragile d’un ciel étoilé. Un cœur sombre en vérité. Un genre de cœur glauque, fissible dans les tempêtes solaires, les raz de marée et nos amours enfuis. Des tonnes de matière aliénée baignée dans un grand rayonnement ionisant de couleur verdâtre. Une chaleur torride dans la posture d’une figure triste courbée sur l’échine de nos nuits paniquées. L’asphyxie programmée du monde sensible et ses effets pervers sur le rayonnement solaire. La figure immonde d’une armée d’alternateurs déréglés et leurs sales bobines toutes entières précipitées. L’équation tragique d’un monde ultra pressé pour recouvrir le lit de nos amours dérobés. Tout crépitait ; une pluie de formules mathématiques délétères pour conjurer nos éternelles dérobades ; nos vaines excuses, nos sempiternelles échappatoires.
Voilà, le décor, le contexte de turbulence… Cette forme de liens indissociables qui nous unit au chant céleste et à la fureur du monde terrestre… Oui, voilà ces funestes cohortes… ces hordes opaques… qui me raccrochèrent ce jour-là, à la couleur de quelques traces artistiques majeures dans le ciel tranquille du pays de Courbet.



DEPUIS UN TÉLÉPHONE PORTABLE / © JL GANTNER 2011


Des traces, comme les empreintes indélébiles d’une tribu de corps perdus ; des carcasses enflammées, des meutes de paysages en mouvement. Une armature colossale de questionnement direct sur l’origine du monde et l’impossible image de sa finitude. Une peinture « capitale », au sens où l’artiste ne nous impose rien, mais s’impose d’elle-même à notre champ de propensions sensibles au-delà de toute forme de mode ciblée ou d’engouement gratuit. L’audace et la singularité de Myriam Drizard s’installent pour deux mois dans la maison Courbet à l’invitation de son conservateur avisé, comme aucun génie de l’époque ne saurait mieux y séjourner. Aucunement dans l’attitude un peu vulgaire d’un de ces impudents propriétaires du temps, mais plutôt dans cette belle contenance feutrée d’une locataire qui remplit de fierté une demeure réputée. La résidante désirée, par filiation de quelque orientation intellectuelle ou philosophique avec l’ancien et glorieux maître des lieux.



DEPUIS UN TÉLÉPHONE PORTABLE / © JL GANTNER 2011


MYRIAM DRIZARD ET FRÉDÉRIQUE THOMAS-MAURIN (CONSERVATEUR)
DEPUIS UN TÉLÉPHONE PORTABLE / © JL GANTNER 2011


La quintessence d’un immense carnet de poésie rempli d’une énergie « résiliente » campe l’architecture de la maison familiale de Gustave Courbet. Un accrochage voulu comme le résultat « obstiné » de 15 années de peinture. Une fournaise nucléaire. Une tension prodigieuse stoppée nette pour permettre au spectateur de mesurer la taille du prodige à l’aune de son temps figé. Le repos après la bataille… L’instant, si émouvant des forces arrêtées, commuées en marques charnelles et définitives. Tout ce que l’on garde de précipices dans les yeux pour ne rien entendre de l’esprit qui s’effondre.

L’œuvre… —et « l’adjectif » ici n’est pas galvaudé— est une œuvre/itinéraire sculptée à l’intérieur d’une chambre à combustion naturelle nourrie de réponses imparfaites. Une œuvre/voyage dans la géométrie des surfaces sensuelles. Une œuvre comme un effleurement de matière céleste dans la rugosité des masses nécessaires. Une œuvre… comme celle de ce marcheur biblique reclus dans son désert volontaire, et qui ne s’épargne rien du poids des temps qu’il traîne avec lui. Un fleuve et son ambition circonscrite à son objet principal, non celui de déboucher quelque part, mais celui d’irriguer des terres qu’il partage chaque jour avec la lumière.
JEAN-LUC GANTNER




©France Télévision 2011



MYRIAM DRIZARD À LA FERME COURBET / FLAGEY / JUSQU'AU 30 MAI 2011

Au centre

MYRIAM DRIZARD (VIDÉO) DANS LE JOURNAL DE NÉON™ / 2007