mercredi 13 février 2008

NO COUNTRY FOR OLD MEN



CINÉMA / LE CHOIX DE NEON™

LA « NATURE » AMÉRICAINE SELON LES FRÈRES COEN

Llewelyn Moss / Josh Brolin - NO COUNTRY FOR OLD MEN

« NO COUNTRY FOR OLD MEN »

De : Joel Coen,Ethan Coen Avec : Tommy Lee Jones, Javier Bardem, Josh Brolin, Woody Harrelson, Kelly Macdonald.
Adapté du roman homonyme de Cormac McCarthy (traduit en 2007 sous le titre Non ce pays n'est pas pour le vieil homme, éditions de L'Olivier)

Synopsis : A la frontière qui sépare le Texas du Mexique, les trafiquants de drogue ont, depuis longtemps, remplacé les voleurs de bétail. Lorsque Llewelyn Moss tombe sur une camionnette abandonnée, cernée de cadavres ensanglantés, il ne sait rien de ce qui a pu conduire à ce drame. Et quand il prend les deux millions de dollars trouvés à l’intérieur du véhicule, il n’a pas la moindre idée des conséquences... Moss a déclenché une réaction en chaîne d’une violence inouïe que le shérif Bell, un homme vieillissant et sans illusion, ne parviendra pas à contenir.




C’est le dernier opus des frères Coen. (Les auteurs repérés à Sundance en 1984 pour la réalisation de leur premier film Sang pour sang, du génial Barton fink « surprimé » à Cannes en 1991, de Fargo ou encore de l’excellentissime The Big Lebowski). Deux heures d’une course-poursuite infernale à des années-lumière des clichés du genre. L’intrigue à la manière forte des deux surdoués de la série B américaine imprime sa belle marque de fabrique Coen & Coen... dés les premiers plans larges du film. Le Texas, un troupeau de gentils cerfs de Virginie en train de brouter tranquillement dans un désert immense ; un type, le genre cow-boy (Josh Brolin) bien installé derrière son fusil équipé d’une lunette de précision qui rate une cible facile. (un chasseur, une partie de chasse) Tout est dit dès le départ et sans un seul mot de dialogue. Vous pensez d’emblée à un western mais c’est bien d’un polar dont il s’agit. Les Coen brouillent les pistes des cases récurrentes du cinéma hollywoodien par le biais d’une esthétique remplie à l’air comprimé, forcément minimaliste et saturée d’un noir d’encre. Le film appuie lourdement sur la signifiance du mythe américain pour s’en affranchir tout de suite. Une scène de crime au lieu du grand espace de l’Ouest parfaitement cinemascopé. Un tas de cadavres, le produit d’un règlement de compte entre trafiquants de drogue. Un paquet de pognon dans une valise. Des millions en petites coupures laissés pour compte dans la puanteur d’un groupe de mexicains trépassés au fusil à pompe, et un gringo salement percé qui réclame de l’eau avant de crever Que va faire le « cove boie » naïf ? Récupérer le pognon bien sûr ! mais voilà que le gars qui n’a jamais fait de mal à personne, (même pas à un jeune ovidé !) fait preuve d’humanité, et décide de revenir sur ces pas avec une bouteille de flotte pour aider le mourant. Les jeux sont faits. La fin tragique est inéluctable. Point de salut dans la compassion, la pitié ou la miséricorde.


Javier Bardem - NO COUNTRY FOR OLD MEN


NO COUNTRY FOR OLD MEN est un film sur l’amour du genre humain soumis au contexte d’une infraction originelle caractérisée par la naissance de l’intérêt qu’on porte à son prochain en dépit de tout ce qui peut vous tomber dessus après. Car ce n’est pas du péché de convoitise ou de cupidité qu’il est ici question, mais d’un cercle infernal de la violence et de l’injustice dans lequel la société américaine est enfermée sur la voie de sa liberté individuelle chérie. Le héro, ou « antihéro... » Llewelyn Moss est érigé en martyr d’une logique judéo-chrétienne, capitaliste extrémiste... incapable de transcender sa quête de jouissance au-delà de ses prérogatives d’indépendance. Le précipice de la détestable nature humaine creuse dans chaque plan qui suit, sa véritable nature de cuvette de chiottes. La peinture est radicale de pessimisme macabre. Le chevalier néo libertaire Moss et sa valise blindée de "papier de paradis" sont pistés par un tueur professionnel (Javier Bardem). Une sorte d’ange exterminateur psychotique à l’âme tarabiscotée de principes dérisoires. Un type aliéné à son ignoble tâche de saigneur de toutes sortes d’humanité hérétique, comme l’est aussi ce shérif en préretraite (Tomy Lee Jones) expectatif, inutile et entièrement plongé dans son travail d’introspection métaphysique. La loi est traitée sous sa forme dérisoire, impuissante et totalement inapte, car aucune rédemption est envisageable. D’un bout à l’autre de ce truculent road movie, la machine infernale de Joel et Ethan Coen propulsent de tous ses chevaux de fers brûlants, la sensation d’un labyrinthe « désespérant » ou seule la folie meurtrière trouve sa raison d’être toute entière dédiée à elle même au cœur d’une société livrée à tous les excès... Un portrait au vitriol qui flirte avec le ton et l’humour cynique des films de leurs période créative la plus prolifique.

JL Gantner




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