vendredi 25 avril 2008

DÉSIRÉE DOLRON



PHOTOGRAPHIE



DÉSIRÉE DOLRON / "X TÉRIORS"


Qui peut aujourd’hui, définir exactement la photographie ? Ce procédé... L’enregistrement d’un instant du réel, ce moment, « l’instant décisif » répétait Cartier-Bresson ; un reportage, un document véritable, tragique. Une preuve irréfutable, judiciaire de la vérité réelle, tangible. La photographie comme la captation d’un paquet de photons dans un carcan formel, l’onde et la matière réconciliées, reconstituées ; un conciliabule figé de particules élémentaires coagulées, l’étrange sabbat pétrifié d’un peu de poussière d’étoiles échouées sur du papier glacé ; une danse rituelle de corpuscules magiques, arrêtés, net, à minuit pile ?... À chacun sa photographie... À chacun son origine du monde sensible et ses histoires d’amour démodées. À chacun sa vitesse d’obturation dans le grand bain d’argent et sa durée d’exposition au soleil de plomb. L’art des photographes est aujourd’hui multiple et soluble dans toutes les formes de digressions. L’art... du photographe, une technologie accessible à tous, l’art populaire, l’art démocratique, « l’art moyen » disait Bourdieu dans les années soixante. Mais de quelle photographie parlions-nous ?

Celle de Désirée Dolron par exemple, dans une série intitulée « Xtériors », s’accommode d’une technique picturale empruntée à la peinture flamande des siècles passés grâce à une machinerie numérique que l’artiste maîtrise à merveille. Des portraits... des instants de grâce d’une lumière géniale étalée sur l’épiderme du monde et à la surface de ses modèles féminins d’une beauté saisissante. Désirée Dolron restitue plutôt qu’elle ne capte, l’artiste ne saisit rien, n’intercepte d’aucune manière une production naturelle, mais post-produit des crises d’éclairage intérieur qui nous illuminent d’un mysticisme éclatant. Sa technique est parfaite, exemplaire, irréprochable... mais là n’est pas l’essentiel. Son jardin est celui de Petrus... celui de Jan van Eyck, de Rogier van der Weyden ou plus tard de Vermeer...


Xtériors VI

Xtériors XIII


PETRUS CHRISTUS / PORTRAIT OF A YOUNG WOMAN (LA JOCONDE DU NORD) 1446.


Une symboliste au cœur transi. Désirée Dolron se rapproprie la magie des grands maîtres hollandais, celle des derniers gothiques.

Xtériors XII


Xtériors IX

Sa lumière est hallucinée ; son cadre, intransigeant, austère, politique. Oui, car prenez l’exemple de cette scène intitulée : Xtériors VIII. Et demandez-vous s’il vous faut plutôt reconnaître « La mort de la vierge » (celle d’Hugo van der Goes peut-être...) ou bien ces « Lamentations sur la mort du Christ » (une fresque de Giotto). Le personnage principal est androgyne, imberbe, trop jeune peut-être pour que l’on sache vraiment, ou « inverti », proustien. Prenez aussi Rembrandt, et sa « Leçon d’anatomie... » Qui est qui, qui manipule qui ? Je pensais encore à cette photographie de Georges Mérillon (world Press 1991). Sa Veillée funèbre au Kosovo.

Xtériors VIII

Désirée Dolron ravive le principe du sfumato dans la forme et surtout dans sa manière de restituer les corps. La limite, floue, des contours mystérieux, imprégnés par la profondeur de l’ensemble, le secret des masses, abandonnées.
Néon™