mercredi 6 mai 2009

LE LIÈVRE DE PATAGONIE






LE LIÈVRE DE PATAGONIE
MÉMOIRES
DE CLAUDE LANZMANN

par Zelig



Il est des livres comme celui-ci, il y en a peu, qui vont avoir plusieurs vies, plusieurs relectures. Le lire une fois appelle nécessairement à sa relecture et sa lecture est nécessaire, oh combien !
Ce livre ressemble à son auteur, il a son âge, celui des ses artères, de ses blessures, celui de ses combats et des ses engagements. Il a la mémoire de ceux qui ont tout vécu à cent pour cent, sans concession aucune au misérabilisme intellectuel ambiant, aux trahisons, aux défections devant l’ennemi, au lâchage en rase campagne. Ce livre ressemble à l’auteur par cette exigence absolue, cette nécessité d’exigence qui fait appeler un chat un chat et pas autre chose.



Quelles pages fortes, que celles qui ouvrent le livre. Je l’ai ouvert juste pour voir, occupé que j’étais avec un autre livre. Je n’ai pu m’en défaire avant que de l’avoir terminé, presque à regrets de l’avoir lu si vite même si j’ai volontairement ralenti mon rythme de lecture, profitant de chaque moment pour revenir sur les pages précédentes.
Quelle exigence, quelle constance, quelle obsession lui a-t-il fallu pour mener à bout son projet sur « Shoah ». Il l’explique avec des mots, des suites de mots, des torrents de mots qui emportent et émeuvent tant que bien souvent il m’a fallu arrêter la lecture. Une lutte inégale, une course contre la montre, un besoin impérieux de dire et montrer tout ce qui ne pouvait être dit ni montrer pensait-on et il l’a fait. Il faut lire ces pages pour comprendre, il faut les faire lire et relire aux abrutis qui l’ont hué et sifflé lors de je ne sais plus quelle cérémonie où il remerciait ceux qui l’avaient aidé à faire ce film, à bâtir ce monument. Ils ont par là même une nouvelle fois insulté la mémoire de ces victimes. Je me souviens qu’il a promené son regard noir sur eux et a continué à parler. Dans son livre, il ne parle pas de cet épisode. Il n’avait pas de temps à perdre avec ces imbéciles.
Il faut lire ce livre pour les pages consacrées à Israël. Là aussi il met les points sur les « i ». Lui, le compagnon de route de tous les mouvements de libération, il défend Israël avec une ardeur qui n’exclut pas la critique. C’est clair, il sait, ce que d’autres n’ont toujours pas compris. Il n’y a qu’à lire ses pages, courtes et définitives sur la lutte des algériens pour leur indépendance, sa proximité avec eux et sa déception du régime d’Alger d’aujourd’hui. Une déception qui ne délégitime en rien l’engagement qui a été le sien jusqu’aux accords d’Evian.
Il faut lire les pages, fortes de tendresse, où il raconte Sartre et Beauvoir, et les amours, et les amitiés. Il faut les lire et les relire.
Il faut lire ce livre d’un amoureux de la vie, qui avoue qu’il a vécu et voudrait encore et encore vivre, pousser toujours plus loin la ligne du possible.

Zelig
Le 6 mai 2009


et pour répondre à quelques commentaires...
D'abord, cher Nautilus il faut choisir ou l'écriture ou les palmes surtout si on écrit avec ses pieds (c'est de l'humour- n'est-il pas? comme le coup du lapin et le coup de chaud...).
Il se trouve que j'ai rencontré une fois, une seule Claude Lanzmann. Ce jour là son exigence, ses éxigences, pour lesquelles j'avais été prévenu, dans le style "c'est dur" "il en fait trop", m'avaient un peu destabilisé. Mon travail réalisé, je mesuis rendu compte qu'au contraire tout ceci m'avait conduit à être plus réfléchi, plus attentif aux poids des mots, à la force d'une phrase. A la lecture du livre d'un coup, ces exigences m'ont paru d'autant plus légitimes car elles signent chaque bataille, chaque engagement; elles soutiennent chaque action et ne démentent rien. elles permettent aussi de mesurer dans le temps la fidélité aux moments vécus et je crois pouvoir dire qu'il n'est pas bon de croiser le regard de Claude Lanzmann si on lui a menti, si on l'a trahi. C'est dans ces pages là que nous pouveons tretrouver tous nos doutes et les pages vites tournées de nos existences, de nos engagements lorsque nous faisons mine de regarder ailleurs pour ne pas rougir de ce qui se passe sous nos yeux, irresponsables excisés d'avance par de s"je ne savais pas " ou " je n'avais pas compris"alors que tout nous dictait le contraire. Juste comme ça et de mémoire combien de dizaines de milliers de manifestants exigeant le retrait des américains du Vietnam à grands coups trés légitimes "d'u.s go home" et quelles maigres troupes pour s'inquiéter des massacres au Cambodge. C'est pour cette raison que les pages de Lanzmann sur ses engagements algériens nous sommes de réfléchir à nos engagements et que la lecture de ce livre nous secoue les neurones. Quand aux Lièvres, qu'ils soient de Patagonie ou d'ailleurs, ils sont libres et Lanzmann les aime pour ça, mais là encore il faut lire pour aller plus loin.