lundi 17 novembre 2008

NEON™ VOYAGE EN IRAN


ATELIER




IRAN / "CLICHÉS" PERSANS
L'HISTOIRE D'UN REPORTAGE
JEAN-LUC GANTNER



C'était juste avant Noël. Je ne connaissais rien de cet Iran mystérieux, d'une région du monde décrite politiquement comme une des plus hostiles du moment, "l'axe du mal", selon l'administration Bush. Le très conservateur Mahmoud Ahmadinejad, le maire de Téhéran, remplacerait bientôt le président Khatami à la tête du pays. Le début d'un bras de fer avec l'occident sur le sujet sensible du nucléaire militaire. J'avais comme tout le monde l'image de L'ayatollah Khomeyni qui s'agitait dans ma mémoire ; les images choc de la révolution islamique de 1979. La seule évocation du voile obligatoire, de la burqa jettée sur le corps des femmes suffisait à me faire refuser toute transaction avec cette culture d'un autre âge. Des images choc ! Il y avait pourtant ce formidable film d'Abbas Kiarostami Le goût de la cerise primé au festival de Cannes, le cinéma de Mohsen, puis de Samira Makhmalbaf, la fraicheur de Dariush Mehrjui ; l'extraordinaire Ballon blanc (Jafar Panahi, 1995) caméra d'or à Cannes en 1996... cette peinture Qajare aussi ; les vers sublimes d'Hafez... « Viens » chantait Hafez le perse, « éparpillons partout des fleurs, versons du vin dans la coupe ! Viens, fendons le plafond du ciel, formons un projet nouveau ! » ; la poésie d'Omar Khayam ; les sables brûlés de l'antique Persépolis... La belle Ispahan ou les jardins de Shiraz. Une culture, la culture d'une des plus grandes civilisations du monde.


AFFICHE DU FILM/DOCUMENT - DESIGN GRAPHIC ©JL GANTNER


LE DOCUMENT FUT DIFFUSÉ EN 2005 SUR ARTE
DANS LE CADRE DE L'ÉMISSION METROPOLIS
(PROD coupd'oeil/mobilehome/arte)
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Nous ne savions véritablement que peu de choses à propos de la quantité d'images que nous allions trouver (environ cinquante mille... des photographies provenant principalement des albums royaux élaborés par la cours de Perse dans la deuxième moitié du 19e siècle), leur qualité surtout. L'intérêt considérable que ces images représenteraient pour l'histoire, et au-delà même du simple patrimoine culturel national iranien...


La salle des archives du Golestan Palace, à Téhéran / PHOTOS©JL Gantner 2005



Farrokh Ghaffari (TEHERAN1921-PARIS 2006). Le cinéaste et créateur de la cinémathèque de Téhéran vivait en France, dans le quartier de Montparnasse depuis 1979. Après la révolution islamique et l'arrivée au pouvoir des Mollahs, celui qui fut l'ami d'Henri Langlois, Le compagnon de Jacques Truffaut ; l'érudit de toute une histoire du cinéma moderne européen et créateur de la cinémathèque de Téhéran, n'a plus jamais retrouvé l'ambition de poursuivre son métier. L'exil fut pour cette homme d'exception, un affreux tombeau. Nous nous étions rencontrés comme ça, un peu par hasard, sur le projet du premier film de Simin Motamed Aria. L'actrice réalisait alors un portrait du cinéaste et je m'étais tout à fait par hasard, un peu mêlé de cette drôle d'aventure comme chef opérateur. Des mois plus tard, nous avons repris le fil de la conversation à propos de son passé de cinéaste, ses souvenirs concernant le tournage de "La nuit du bossu" en 1963. Farrokh Ghaffari venait de signer la première oeuvre cinématographique moderne sérieuse dans son pays. Bref, pour cet homme de l'art, retrouver et "révéler" l'existence de ces milliers de photographies dont personne ne semblait alors se soucier, lui paraissait la chose la plus importante du monde.



DESIGN GRAPHIC ©JL GANTNER 2005
D'après : ©Fond d'archives photographiques du Golestan

Aidé d'une amie, en commun, le projet d'un tournage a pris forme doucement. Six mois de travail, un an... pour retrouver la trace des centaines d'albums photographiques fabriqués par les anciens princes de Perse. Le pari de nous faire ouvrir les portes de la caverne au trésor par les autorités iraniennes, celui d'obtenir l'autorisation de reproduire une quantité importante de documents pour la diffusion d'un reportage sur la chaîne de télévision arte. Le voyage eut lieu aux premiers jours de l'année 2005, dans les conditions d'une production quasi amateur.


DESIGN GRAPHIC ©JL GANTNER 2005
D'après : ©Fond d'archives photographiques du Golestan


Des milliers d'images, pour majorité, des plaques de verre tirées sur papier et rassemblées dans des albums anotés de la main de Naserdin shah et Mozaferin Shah, les deux deniers rois de la dynastie Ghajar.


D'après : ©Fond d'archives photographiques du Golestan


En 1845, soit trois ans après l'invention du procédé photographique en France, un exemplaire de cet appareil est offert par le tsar de Russie au roi Mohamad shah, le père de Naserdin "le roi photographe". (Sur ce point, Shariar Adl, historien, ne se prononce pas de manière certaine sur qui, de la diplomatie russe ou des émissaires de la couronne britanique fut les premiers à offrir cette prouesse de la technologie occidentale au maitre de Téhéran. Des témoignages rapportent que deux appareils ont ainsi fait l'objet d'une marque de faveur à l'intention de la cour d'Iran... Outre la polémique pour l'anecdote, c'est sans nul doute de cette manière que l'histoire de la photographie a commencé dans l'ancien empire de Perse.

L’objet photographique s’inscrit d’amblée sur le trône de Téhéran comme une nouvelle science au service du pouvoir. La représentation, « idéalisée » des princes… dans l’art persan (et comme un peu partout ailleurs, au moins jusqu’au 17e siècle…) permet au daguerréotype, non seulement de s’installer tout naturellement dans les salons de la cour impériale, mais également, de voyager dans tout le reste du pays. SHARIAR ADLE, HISTORIEN

Ces milliers de photographie retrouvées dans les caves du palais royal de Téhéran, avaient déjà fait l’objet d ‘un premier travail de classement par l’état iranien en 1966. Des plaques, en majorité des format 30X40… réalisées — pour beaucoup d’entre elles — par EBRAHIM AKASBASHI, le photographe attitré de Nasser-0d-Dinn Shah… Toutes ces images étaient longtemps restées à l’abandon, la plupart du temps sous forme d’albums enfermées dans de simples cartons.


©Fond d'archives photographiques du Golestan




EXTRAIT D'UN CARNET DE NOTES DE L'AUTEUR™
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Train toute la nuit vers le sud depuis la gare centrale de Téhéran. Le désert, les vents de sable à l'infra rouge (le mode de visée préférée des nouvelles caméras portables). Dernières pages d'un bouquin de Sollers. surimpression. Venise par la fenêtre. Un Watteau à la dérive dans un désert persan. J'ai repris la lecture d'Ulysse. Joyce... Je pense à la mer. Vertige, grand vide et angoisse par dessus les vagues. Les murs de sable et la montagne juste au-dessus. Murs d'enceintes, ventre vide, envie de gerber quand même. Soleil glacé, lumière démembrée. Millions, milliards d'étoiles accrochées au vide et la lune pleine. Lune remplie d'eau de mer jusqu'au sel. 80 000 morts en Inde, en Thaïlande... flux incessant. Info en continue sur CNN, Chambre d'hôtel surchauffée, bar sans alcool. Régime sec à l'eau plate et golfe persique. Tentative de connexion internet avec le reste du monde... Je pense à la neige sur les sommets de l'Erbruz, Je pense à la neige blanche et aux mollahs dans cette neige-là ! aux robes noires des mollahs dans les neiges éternelles et au vert aussi. Du vert sur les murs de Téhéran, du vert saturé qui vire au noir à tous les temps. Conjugaison impossible. Virage serré à la couleur des fleurs, la couleur rose tendre des jardins de Shiraz dans le noir épais. L'obscurité d'aspect clinquante, un peu bruyante même ! De la matière sombre pour habiller les hommes, et puis les femmes surtout... Le vert comme une nuit à la fin. Attendre que le matin se lève pour respirer un peu. Nous attendions le matin, mais la nuit persane est bourrée d'étoiles précieuses. Le noir d'Iran est plombé d'étoiles brillantes et les jours sombrent à l'Orient. J'ai trouvé Rahim magnifique. Rahim, l'AKASBACHI, le descendant du grand MIRZA.



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