samedi 16 février 2008

LES MOTS D'AMOUR



LE FESTIVAL DES MOTS D'AMOUR À BEAUME-LES-DAMES


Un festival des gens qui s'aiment... Des petits mots, des histoires d'amour, des lettres... Le festival "de la St Valentin" parle d'amour depuis 6 ans déjà. Une histoire qui dure. L'occasion pour Néon™ de publier sa petite lettre à lui. Un post scriptum. Le texte, un dialogue, est un tiré-à-part qui sert d'épilogue à un roman de Tony™ (Tony™ est une marque déposée du monde marveilleux de Néon™). Le roman... s'appelle "La lettre" justement. Une lettre ou plutôt un film. Une histoire de cinéma avec JL Gogard dans le rôle principal. Un type empêtré dans sa nouvelle vague et ses semelles trop lourdes qui l'empêchent de prendre son pied dans la lumière un peu forte des projecteurs.


LA LETTRE / POST-SCRIPTUM
- C’a aurait pu être vachement dangereux !
- C'était un risque à prendre.
- C’était quoi déjà, la couleur un peu forte qui piquait les yeux ?
- C’était le parfum de la terre un peu sèche. Un grand désert avec juste la personne qu’on aime au milieu.
- On s’allongerait là, et on regardait la lune. On resterait des heures comme ça sans rien faire. Juste à écouter le temps qui s’arrête.
- On pourrait faire ça après.
- On peut toujours faire des tas de trucs « après... »
- Après tout !
- Après rien du tout.
- Alors, tout de suite si tu veux.
- Tu veux dire là, maintenant avec ce temps de merde ?
- Je dis juste que tes yeux me suffisent, ceux qui brillent dans l’noir.
- Mais non, tu verras, tu va tenir le coup ; tu tiendras parce que t’es plus fort que tout.
- Non, j’suis fort de rien du tout. J’suis fort de tout ce que tu es toi, j’suis fort quand j’pense que tu m’aimes un p’tit peu, j’suis fort quand tu es dans mes bras et que j’ai le droit d’embrasser tes yeux.
- Comment je pourrai oublier tes mains, comment je pourrai… Tes lèvres. Comment je pourrai oublier tout ce que tu me disais avec tes yeux quand on était dans le noir.
- Tu oublieras, comme on oublie tout.
- J’oublierai rien du tout.
- Tu oublieras jusque ce que tu es en train de dire en ce moment ; tu oublieras mon nom et jusqu’à la couleur de mes yeux.
- Alors, je disparaîtrai.
- J’ai mal au bide, un trou énorme et rien qui passe pour le remplir. J’sais pas quoi faire pour te dire ce que je ressens. Peut-être un baiser alors ! Juste un baiser pour te dire que j’t’aime vraiment.
- On est r’venu au début !… la gueule enfarinée à se r’garder sans oser s’toucher.
- Ce putain d’hiver qui passe pas !
- Toi
- Toi…
- J’irais bien voir un film
- Allons voir un film si tu veux.
- On peut dire plein de trucs dans le noir sans que ça se voit. Un générique et mille variations cinétiques, des tas de mouvements... pornographique.
- Tu sais, je voulais pas te faire mal. J’te dis ça parce que je sens bien que ça te fait un p’tit peu mal.
- On pourrait peut-être baiser pour que ça s’arrête !
- On ferait l’amour sur Placebo, sur Follow the cops back home


- On s’dirait pleins de trucs avec nos yeux pour effacer tout le noir qui traîne dedans.
- On s’dirait qu’on est loin, j’sais pas ?!… Dans un désert le soir, juste toi et moi avec nos deux corps plantés au milieu.
- On s’dirait des trucs en plein désert avec un corps à deux.
- Un corps à corps.
- Des corps perdus.
- Des corps qui se mêlent.
- Des corps qui s’emmêlent.
- Tu dis n’importe quoi.
- J’adore ça !
- Éteins la lumière s’il te plait.
- Mais, je n’te verrai plus !
- Ce sera mieux comme ça…
- Le type éteint la lumière et tout s’arrête parce qu’il ne voit plus rien. C’est une fin complètement con !
- Alors j’éteindrais, moi, si tu veux.
- Je préfère quand la lumière s’éteint toute seule comme au cinoche. La musique commence, un beau générique et alors, tout peut arriver.
- Ton problème, c’est que tu rêves tout le temps et que t’as du mal à voir les choses en face.
- Quelles choses en face ? Toi, de face ? Toi de profil, toi de haut en bas, tout toi. Oui, j’aime tout de toi. Je t’aime totalement, tendrement, tragiquement.
- Arête de dire n’importe quoi. Les choses en face, je veux dire : Toi, ta vie à toi maintenant et ce que je pourrais bien foutre dedans. Toi, ta face A…
- J’voudrais juste un peu de temps. Du temps pour comprendre, avec toi quand même dedans. J’voudrais voler du temps et te prendre aussi dans mes bras.
- Tu vois que tu rêves tout l’temps.
- Je rêve de toi.
- Je rêve de toi…
- Alors, qu’est-ce qu’on attend ?
- …
- …
- On fait ce qu’on veut, on fait ce que tu veux. On fait sur une face ou avec les deux, on fait avec une face A et une face B, on fait face ou bien …
- Ou bien on efface tout !
- T’effacer, tout s’efface, toutes ces faces à effacer… toutes ces façons d’être sur un morceau de Noir désir qu'on aime tous les deux.
- Toutes tes façons de ne rien être vraiment sans désir amoureux !



- T’as toujours ton trou dans le ventre ?
- C’est pas un trou, c’est un impact de bombe atomique. Un gouffre, un abîme à l'échelle interstellaire.
- T’as qu’à bouffer un truc pour meubler.
- J’ai déjà tout ce qu’il me faut, même un fauteuil voltaire de mon grand-père.
- C’est pas drôle !
- J’ai pas envie d’être drôle non plus.
- T’as envie de quoi alors ?
- De rien. J’ai envie de rien et surtout pas de bouffer.
- À cause de ton creux ?
- Voilà ! À cause de ce putain de vide qui m’empêche de respirer normalement.
- Et le vide, c’est moi ?
- C’est tes sourires qui me manquent quand t’es pas là. C'est ton air… c’est cette sensation désagréable de marcher au milieu des vagues et de ne pas appris à nager comme il faut pour arrêter de couler tout le temps. C’est cette idée qui revient sans cesse d’un fil cassé avec un type qu'essaye de marcher au milieu.
- C’est peut-être facile à r’coudre ?
- Et tu ferais quoi du mec dessus avec tout l’air chaud qui lui tourne autour ?
- Je lui refilerai la clim’.
- C’est toi qui n’est pas drôle !
- Le type pourrait aussi prendre une douche froide. Tu n’as pas essayé de te tremper sous l’eau froide ?
- J’avais juste envie de toi.
- Tu me disais le contraire juste avant. Tu me disais que tu pourrais passer tout ton temps avec moi juste à r’garder mes yeux. Tu disais…
- Je disais juste que je pouvais faire ça, mais que je trouvais aussi cette idée un peu con. Je disais que je pouvais t’aimer longtemps tout seul dans mon coin sans rien dire, mais que ce serait quand même mieux avec toi dans mes bras.
- Tu vois, tu ne peux pas le faire. T’as pas de couilles en fait !
- Si, justement !
- Tous les mêmes !
- Je peux pas te laisser dire un truc comme ça. Jamais je te laisserai dire un truc comme ça. Je peux pas te laisser penser à nous avec une saloperie de truc moche au milieu. Tout ce que je voulais te dire, c’est que ça faisait mal à force de ne rien vouloir se dire vraiment.
- Mais tu parles tout le temps.
- Jamais rien d’important.
On se parle, cachés derrière des mots. Un flot navrant didées vagues pour se protéger des profondeurs de l'âme.
- Tu veux dire que tout ce que tu me dis... C'est encore pire ce que je croyais !
- Je veux dire que ce que je dis est une façon de cacher ce que je pense vraiment. Une couverture de mots incessants pour avoir chaud quand on doit se mettre à nu devant quelqu'un qu'on aime.
- Tu sais, tu n'es pas obligé de parler.
- Je suis obligé de parler pour ne rien te dire du temps de merde qui passe sans toi...
- On en était à l'idée de baiser. Après, c'est toi qui t'es mis à divaguer.
- On serait libre...
- On serait pas obligé d’écouter Placebo ?
- On serait pas obligé d’être nus.
- On serait obligé de rien du tout !…
- Qu’est-ce que tu penses du film ?
- Minable !
- À part du noir brillant au milieu des vagues et les seins d'une fille qui sèchent pour rien sous la chaleur d'un désert occidental, il ne se passe plus rien.
- C’est surtout « lui » qui déconne à parler tout le temps de Godard.
- Je crois qu’elle l’aime, mais qu’elle ne veut pas souffrir à cause d’un con dans son genre ; elle déteste son côté "Tony" de cinéma, son côté looser dans des films dépassés... On ne peut tout de même pas lui en vouloir.
- Je crois qu’on parle trop.
- Non, Je crois plutôt qu’ils allaient bien ensemble au début !
- C’est Godard qui disait...
- J’me fous de Godard, j’veux que tu m’embrasse. J’veux que tu me prennes dans tes bras, que tu me dises que tu m’aimes pour la vie et que tu m’emmène loin pour pouvoir revenir quand ça me plait. J’veux voir tes yeux quand tu te lèves et te voir partir en sachant que tu r’viens juste après.
- Tu n’aimes plus Godard ?
- J’aime tes mains.
- Moi aussi j’aime tes mains. Je parle de Godard pour parler de tes mains, de ta nuque, de ton ventre... Je parle de Godard pour parler de toute ta surface corspusculaire. Je te parle de Godard pour te dire « je t’aime » quand j’ai peur de te le dire à l'échelle de la matière.
- Tu as peur ?
- Un peu oui. J’ai peur de la lumière du jour. J’ai peur de tout ce qui peut te faire du mal quand la lumière se rallume. J’ai peur de découvrir que c’est moi l’acteur d'un film moderne passé de mode depuis longtemps.
- Tu veux me prendre comme actrice ?
- On prendrait Vérone pour des corps.


- Je t’aime.
- Je t’aime aussi.
- Embrasse-moi.
- Autant que tu le voudras.
- T’as toujours mal au ventre ?
- plus que jamais.
- J’ai mal au ventre et au tien. J’ai mal à tout ce qu’il te fait du mal, à tout le noir dans tes yeux. Et puis tu veux que je te dise la vérité ? Godard… J’en ai rien à foutre non plus de Godard, c’est ça la vérité. Je dis « Godard » pour ne plus penser à rien.
- Tu ne dors pas ?
- Toi non plus ! Il est très tard, tu devrais éteindre et fermer les yeux.
- Je ne sais pas si tu as déjà essayé de dormir au fond d’un ravin ?
- Je dors souvent comme ça. Assise au bord comme un grand silence qui dégouline sur les murs.
- Et Vérone dans tout ça ?…
-Ta gueule avec Vérone !
- Je voulais te dire pour tout à l’heure. C’était difficile de parler dans cette chaleur.
- Tu me l’a déjà dit.
- Et pour l’autre nuit… Quand on s’est quitté. Je voulais t’embrasser pour te dire au revoir, ou… juste à demain. C’était dur de se laisser comme ça au bord d'une mère si bleue.
- Tu me l’a déjà dit.
- Tu m’en veux ?
- On avait bu
- Qu’est-ce qu’on va faire maintenant ?
- Ce que tout le monde fait toujours dans ces cas là. Attendre que le film se termine et voir si la lumière se rallume à la fin.
- Mais sérieusement ?
- S’aimer ou se dire qu’on pourrait quand même rester des amis pour toujours…
- Et c’est possible ?
- Tout est possible.
- Plus tard alors.
- Non, plutôt maintenant, tout de suite !
- Faut se dire tout maintenant. Faut se dire qu'on s'est mépris à propos de Vérone... qu'il s'agissait plutôt de Capri et d'une scène de fin un peu glauque dans la villa Mallaparte. Mais ça ne change rien."le cinéma substitue à nos regards un monde qui s'accorde à nos désirs" a écrit André Bazin. Le film commencait comme ça. "Le cinéma..."

Le gars écoutait la fille parler et c’est toute la terre qui bougeait sous ses pieds. Le type n’arrive plus à vivre vraiment, c’est l’hiver qui déglingue tout, l’hiver et tout le froid qui s’en mêle ; le vent dans les vagues, les courants d’air qui le font vraiment chier. Le type résiste, mais ses forces le lâchent. Le type se dit qu’il ne passera pas l’hiver avec ce qu’il lui reste de semelles un peu lourdes pour marcher ; toute la boue sur ses pompes et ses fleurs de sécurité.

La fille écoutait le gars parler et c’est toute la mer qui remontait sous ses pieds.

Tony™