Une belle ballade à vélo... De quoi prendre le temps de cogiter sur le magnifique paysage et la matière humaine qui le compose. Étudier « Les caractères » ou les bons sentiments ; réfléchir aux vices et aux vertus de l'espèce, en restant le cul bien calé sur sa selle...
« Il n'existe pas d'aire cérébrale de l'amour.../... Arrêtez donc alors de toujours nous parler de cet amour qui doit sauver le monde » constatait Henri Laborit dans « L'éloge de la fuite ». « Au moyen d'une tromperie grossière on arrive parfois, en période de crise, à faire croire à l'individu qu'il défend l'intérêt du groupe et se sacrifie pour un ensemble, alors que cet ensemble étant déjà organisé sous forme d'une hiérarchie de dominance, c'est en fait à la défense d'un système hiérarchique qu'il sacrifie sa vie. » Tout pratiquant de vélo de course sait ça ! Le grand spécialiste de quelques sciences humaines d'importance, qui à ma connaissance, n'était pourtant pas lui, coureur cycliste...
Changeons de sujet pour mieux nous y retrouver dans nos affaires de beaux sentiments, de grands cœurs, d'esprit d'équipe et d'union sacrée... La cadence, le rythme, l'échappée et le gruppetto... C'est drôle comme un lexique choisi pour parler de musique peut tout aussi bien plaire à l'industrie du pédalage ou au mode de transport vélocipédique en général ! Comme la musique a aussi cette bonne réputation de savoir adoucir les mœurs lorsque le peloton commence à nous les briser sévère sous son air de détester voir une tête dépasser du magnifique mouvement d’ensemble. Mais pour quel profit ? ou au profit de qui ? (Et je ne fais là, nullement allusion au seul Tour de France, si vous suivez bien le son de mon biniou entrainé par les arguments de ce biologiste de Laborit qui m'inspire ici !)
Moderato cantabile, chantent les deuxièmes dérailleurs à l’unisson, mais quand même réunis sur l’estrade pour recevoir la bise du chef d’orchestre faute d’obtenir celle de l’opinion. Le côté Legato obligatoire dans les arrière rangées d’un orchestre mené par l’élite des instruments à vent. La pantomime un peu fourbe d'une bande de joueurs de flûte habitués à l’air chaud qui les traine tout le long de la route en essayant de rafler les avantages des premiers guidons sans avoir une fois à souffler dans le larigot… Cette sorte de fifres ou d’Ocarinas de fabrication à bas coût, mais élevé comme il faut ; qu’on mène généralement au tambour du droit administratif pour la plus grand profit des grandes instances commerciales. (Et comprenez bien que je ne parle pas ici des simples, des modestes des humbles porteurs de bidons !... mais plutôt de quelques suceurs de roues revendiquant les honneurs pour eux seuls sans se soucier de leur véritables locomotives laissées sur le quai. Une grande école de resquilleurs, prônant toutefois toute sorte de générosités, d'amours et d'idéalismes pour continuer de se plaire à eux-mêmes malgré leur fourberie).
Où l’on conviendra de cette parenté qui s’entend tout de suite entre une bonne vieille technique de conservatoire lyrique éprouvée de longue date, et les bonnes manières d’une gente publique de ma connaissance, comme on en connait tous au moins une autour de soi, qui trouve toujours sur quelle danse opportune continuer de s’agiter les fesses au sein du grand convoi symphonique balnéaire…
Je dis ça bien sûr ! pour les petits chanteurs de psaumes bien accoutrés, et les petits margoulins de la fanfare au maillot bien mis ; les carabistouilleurs en chef d’un métier taillé à leur assortiment militaire pour ne pas laisser une seule note dépasser des rangs sans leur consentement amoureux du monde et des bonne manières. Une bande de délinquants ecclésiastiques, sûrs de leur solfège, comme les aurait aimé monsieur de la Bruyère. Des interprètes de contrebande, des plagiaires. Des receleurs de couacs et de canards de basse cour. Des virtuoses dans leur domaine de la canaille en réunion... Le genre d’instrumentiste qu’on mène si facilement à la baguette pour transporter n’importe quel cantique à bon port. Du pain béni pour les fabricants d’hymne national et de charrettes à foin… (Je dis ça pour les animaux de crèche coincés sous l'autel en attendant qu'on les serve !)
Mais je m’éloigne, me détourne de ma cantate principale. Bach au supplice sous mes coups de « pédalées » de travers. Ce lamento. Ce faux-bourdon pour effrayer la ruche dans son tempo estival avec un mélange de cors de chasse et de croque-notes de foire. Une de ces sonates pour éoliennes et diaules compulsives, dans l’espoir de virer de ma route toute cette bande de « mirontons » comme savait les apprécier Céline. « Des ergoteurs et des bafouilleux ». De la bonne graine à flonflon, travestie en chanteurs de Carmagnole des fois qu’un de ces « grand fusil» les prendrait pour un tromblon fiché en travers de sa route. « Vive le son, vive le son »… tout un peloton de nantis qui grince des dents maintenant que la côte s'élève dans les plus forts pourcentages. Un Tourmalet ou un Aubisque embusqué au détour d’une première course de pacotille, où cette fois les gens du ciel n’ont plus leur mot à dire. L’heure des guitaristes ! Un coup de Flamenco pour flinguer la valse viennoise insipide et la petite cour de violoneux bien en rythme sur les faux plats d'un prélude aux véritables histoires d'amours propres. L’heure de l’escalade, grandiose menée par les ténors sur un tempo de One-step ou de Jerk. Une cadence italienne pour préparer la grande fugue du jour. Une envolée lyrique vers les sommets, à l’opposé de cette Bourrée, symptomatique au sein de la clique restée plantée au pied du col. Le scénario d’un adagio confus, si l’on compte le nombre des pulsations récalcitrantes à l’arrière de la meute… la politique du Requiem pour la catégorie concernée ici en filigrane, à moins que celle-ci n'est forcément réussie à préférer cette « fuite » dont nous énumérions le nombre des avantages un peu plus haut. Un joli principe de réalité.
Comme le cyclisme, tout le monde connaît la musique ! N’est-il pas ? Les joueurs de flute, comme les coqs de Bruyère et leurs histoires d'amours déçues. Récit et photos / JL Gantner