jeudi 28 mai 2009

J'AI RENCONTRÉ VICTOR HUGO







Grécia Cacères, l'écrivain péruvienne, Philippe Labro ou encore Arnaud Friedmann, l'auteur du Fils de l'idole... Voilà pour le début, les premières rencontres sous la statue d'Ousmane Sow, Place des droits de l'homme à Besançon. Les toutes premières vidéos de la collection de "la Place".





GRÉCIA CACÈRES & VICTOR HUGO

+ DE VIDÉOS

lundi 25 mai 2009

REGARDE, MEURS, SOUVIENS-TOI



THÉÂTRE
REGARDE, MEURS, SOUVIENS-TOI
Aurélie Ganter
Aliouchka Binder
Olivia Raclot
Du 26 mai et jusqu'au 28 juin
au Théâtre de l'île St Louis, Paris 4e





Un "décor", Ravensbrück... Marie (Aurélie Gantner) est une déportée. (Elles furent au moins 130 000, dont 90 000 comme elle, n'en sont jamais revenues...) Marie est une toute jeune femme, une petite danseuse tchèque qui rêve de devenir actrice... celle qui "meurt" dans la pièce. Trois comédiennes sur scène, trois moments de la vie d'une déportée, trois points de vue pour décrire l'indicible. L'avant-première a fait l'unanimité en mai dernier. Un premier verdict pour cette création de Jean-Louis Bachelet jouée tout ce mois de juin au Théâtre de l'ïle St louis.



Olivia Raclot / joue Dagmara
PHOTO © BEATRICE BERN


Aurélie Gantner / joue Marie
PHOTO © BEATRICE BERN


Aliouchka Binder / joue Macha
PHOTO © BEATRICE BERN

Marie est assise au centre, en tailleur, le visage plongé dans les mains. Marie découvre subitement son visage au public, et éclate d'une rire enfantin. Puis son rire cesse soudain, son expression devient grave, ses yeux se remplissent de larmes.
Plus tard, je serai actrice de théâtre. Je jouerai le rôle d'une Aufseherin... une femelle de ss. Il faudra aussi une actrice pour jouer le rôle de la blockowa, la chef de baraquement; une pour celui de la Schwester, l'infirmière. Il faudrait aussi un homme, pour faire le Schutzhaftlagerführer. Le chef de camp. Il faudra aussi des corbeaux, des arbres, des briques, du barbelé, des haillons...Il me faudra une cravache, un pied de tabouret, une pioche, une pelle, un fouet, un fusil...j'irai au musée d'histoire naturelle pour trouver des poux et des punaises...Il faudra aussi trouver une Schweinerei et une Schmutzstück. Je ferai paraître une annonce: «on recherche une cochonnerie et une ordure pour une pièce de théâtre». Il faudra aussi quelqu'un pour faire la morte. Ce sera une grande fille maigre, sale, tondue, hagarde, la bouche ouverte; personne ne viendra nous la prendre celle-là: toute sa famille aura été massacrée, ses amis aussi. Ce serait bien qu'elle meure sur scène.


Il faudra que ça fasse vrai.



Jean-Louis Bachelet, auteur et Metteur en scène
PHOTO © BEATRICE BERN

"Tout le texte de ma pièce agit en définitive comme un prétexte : les mots, si chargés qu'ils soient de vérité historique, montrent chaque jours leur pauvreté, comme les images d'ailleurs, rendant urgente une véritable rencontre des consciences de chaque un.

C'est pourquoi j'ai toujours soumis l'écriture de mes pièces et leur écriture sur la scène à ce que j'appelle « la tyrannie du corps » : l’élément décisif de cette rencontre des consciences, c'est la présence corporelle de l'acteur sur scène. Les conséquences de ce choix ne résident pas tant dans la suppression de tout décors et accessoires que dans le refus d'instrumentaliser la pièce, en soumettant toute idée de scénographie à la question suivante : « que peut dire le corps de mon acteur à tel instant, dans un tel contexte »?
Mais il y a plus: il me semble en effet que cette « tyrannie du corps » exclut drastiquement tout intervention de symboles, lesquels, comme le notait judicieusement Tarkovsky, enferment l'idée qu'ils évoquent dans une abstraction qui est l'ennemie unique et définitive de toute émotion.
La pièce, plus qu'une fragile tentative de plongée dans l'enfer concentrationnaire par les mots, veut nourrir une réflexion sur la barbarie et la vie. Les comédiennes sont très jeunes, comme l'étaient beaucoup de ces déportées, ainsi que leurs geôlières. Parmi ces dernières, les rescapées se souviennent de Dorothea Binz, une des plus sanguinaires. Elle avait vingt ans. "


La pièce est éditée aux éditions Les provinciales




mercredi 20 mai 2009

LA CULTURE DU PARTAGE


Enfin... La chaine France 3 décide de partager ses documents culturels sur la toile. Toutes sortes de reportages vidéos diffusés sur la chaine et accessibles par titres, par thèmes ou par régions... L'ensemble est disponible sur Culturebox ! L'occasion pour Néon™ de vous proposer quelques images de ce groupe de rock, The Electrix, né à Besançon, dans le Doubs. Ou bien encore cette rencontre à Vesoul durant le dernier FICA, le festival des cinémas d'Asie. À bon entendeur...

dimanche 17 mai 2009

PHOTOMOBILE™ - 219



LES PHOTOMOBILES DE JL GANTNER

(Des images réalisées à partir de son téléphone portable, ses communications régulièrement mises "en ligne". Tout un commerce d'échange et totalement inutile de libres transports avec un vrai mobile d'une bonne marque™ collée sur l'écran. "De l'art moderne" pour ceux qui en douterait, comme on dit aussi "De l'électronique embarquée" ou "De la pression dans un pipeline" )



MESSAGE N°219




PHOTOMOBILE N°219 / JL GANTNER 2007
Message envoyé de Grenoble, France
17 mai 2007 à 11H52 GMT




LES PHOTOMOBILES™/JL GANTNER




mercredi 13 mai 2009

PLACE VICTOR HUGO



UNE NOUVELLE PLACE POUR LES LIVRES






Voilà, c'est fait. "Tout le monde en parlait"... Et c'est sur la toile depuis aujourd'hui. Une place... un endroit privilégié pour parler des livres. LA PLACE... mais pas n'importe qu'elle place. Une place avec un Vicor Hugo planté dessus. Une adresse, un rendez-vous sur le net baptisé PLACE VICTOR HUGO justement. Un peu d'espace pour les auteurs et puis pour les lecteurs aussi. L'idée d'une rubrique vidéo J'AI RENCONTRÉ VICTOR HUGO où "des gens" acceptent le jeu d'un petit entretien avec le poète, l'homme politique, l'écrivain, le journaliste... sous sa statue (celle du sculpteur sénégalais Ousmane Sow, sur l'esplanade des droits de l'homme à Besançon). Pour donner le coup d'envoi de cette chronique vidéo... PHILIPPE LABRO tente l'expérience du commentaire spontané (une seule prise, sans préparation, ni montage...) La parole sans filet. Et puis quelques jours de patience encore, avant de découvrir LE LIBRAIRE DE LA PLACE une chronique consacrée aux livres du mois (Un peu d'actualité, mais surtout des coups de coeur, des idées qui nous reviennent...) Une librairie modeste, mais qui compte bien se faire une petite place sur le Net.





PHILIPPE LABRO





mercredi 6 mai 2009

LE LIÈVRE DE PATAGONIE






LE LIÈVRE DE PATAGONIE
MÉMOIRES
DE CLAUDE LANZMANN

par Zelig



Il est des livres comme celui-ci, il y en a peu, qui vont avoir plusieurs vies, plusieurs relectures. Le lire une fois appelle nécessairement à sa relecture et sa lecture est nécessaire, oh combien !
Ce livre ressemble à son auteur, il a son âge, celui des ses artères, de ses blessures, celui de ses combats et des ses engagements. Il a la mémoire de ceux qui ont tout vécu à cent pour cent, sans concession aucune au misérabilisme intellectuel ambiant, aux trahisons, aux défections devant l’ennemi, au lâchage en rase campagne. Ce livre ressemble à l’auteur par cette exigence absolue, cette nécessité d’exigence qui fait appeler un chat un chat et pas autre chose.



Quelles pages fortes, que celles qui ouvrent le livre. Je l’ai ouvert juste pour voir, occupé que j’étais avec un autre livre. Je n’ai pu m’en défaire avant que de l’avoir terminé, presque à regrets de l’avoir lu si vite même si j’ai volontairement ralenti mon rythme de lecture, profitant de chaque moment pour revenir sur les pages précédentes.
Quelle exigence, quelle constance, quelle obsession lui a-t-il fallu pour mener à bout son projet sur « Shoah ». Il l’explique avec des mots, des suites de mots, des torrents de mots qui emportent et émeuvent tant que bien souvent il m’a fallu arrêter la lecture. Une lutte inégale, une course contre la montre, un besoin impérieux de dire et montrer tout ce qui ne pouvait être dit ni montrer pensait-on et il l’a fait. Il faut lire ces pages pour comprendre, il faut les faire lire et relire aux abrutis qui l’ont hué et sifflé lors de je ne sais plus quelle cérémonie où il remerciait ceux qui l’avaient aidé à faire ce film, à bâtir ce monument. Ils ont par là même une nouvelle fois insulté la mémoire de ces victimes. Je me souviens qu’il a promené son regard noir sur eux et a continué à parler. Dans son livre, il ne parle pas de cet épisode. Il n’avait pas de temps à perdre avec ces imbéciles.
Il faut lire ce livre pour les pages consacrées à Israël. Là aussi il met les points sur les « i ». Lui, le compagnon de route de tous les mouvements de libération, il défend Israël avec une ardeur qui n’exclut pas la critique. C’est clair, il sait, ce que d’autres n’ont toujours pas compris. Il n’y a qu’à lire ses pages, courtes et définitives sur la lutte des algériens pour leur indépendance, sa proximité avec eux et sa déception du régime d’Alger d’aujourd’hui. Une déception qui ne délégitime en rien l’engagement qui a été le sien jusqu’aux accords d’Evian.
Il faut lire les pages, fortes de tendresse, où il raconte Sartre et Beauvoir, et les amours, et les amitiés. Il faut les lire et les relire.
Il faut lire ce livre d’un amoureux de la vie, qui avoue qu’il a vécu et voudrait encore et encore vivre, pousser toujours plus loin la ligne du possible.

Zelig
Le 6 mai 2009


et pour répondre à quelques commentaires...
D'abord, cher Nautilus il faut choisir ou l'écriture ou les palmes surtout si on écrit avec ses pieds (c'est de l'humour- n'est-il pas? comme le coup du lapin et le coup de chaud...).
Il se trouve que j'ai rencontré une fois, une seule Claude Lanzmann. Ce jour là son exigence, ses éxigences, pour lesquelles j'avais été prévenu, dans le style "c'est dur" "il en fait trop", m'avaient un peu destabilisé. Mon travail réalisé, je mesuis rendu compte qu'au contraire tout ceci m'avait conduit à être plus réfléchi, plus attentif aux poids des mots, à la force d'une phrase. A la lecture du livre d'un coup, ces exigences m'ont paru d'autant plus légitimes car elles signent chaque bataille, chaque engagement; elles soutiennent chaque action et ne démentent rien. elles permettent aussi de mesurer dans le temps la fidélité aux moments vécus et je crois pouvoir dire qu'il n'est pas bon de croiser le regard de Claude Lanzmann si on lui a menti, si on l'a trahi. C'est dans ces pages là que nous pouveons tretrouver tous nos doutes et les pages vites tournées de nos existences, de nos engagements lorsque nous faisons mine de regarder ailleurs pour ne pas rougir de ce qui se passe sous nos yeux, irresponsables excisés d'avance par de s"je ne savais pas " ou " je n'avais pas compris"alors que tout nous dictait le contraire. Juste comme ça et de mémoire combien de dizaines de milliers de manifestants exigeant le retrait des américains du Vietnam à grands coups trés légitimes "d'u.s go home" et quelles maigres troupes pour s'inquiéter des massacres au Cambodge. C'est pour cette raison que les pages de Lanzmann sur ses engagements algériens nous sommes de réfléchir à nos engagements et que la lecture de ce livre nous secoue les neurones. Quand aux Lièvres, qu'ils soient de Patagonie ou d'ailleurs, ils sont libres et Lanzmann les aime pour ça, mais là encore il faut lire pour aller plus loin.


lundi 4 mai 2009

PHOTOMOBILE™ - 233



LES PHOTOMOBILES DE JL GANTNER

(Des images réalisées à partir de son téléphone portable, ses communications régulièrement mises "en ligne". Tout un commerce d'échange et totalement inutile de libres transports avec un vrai mobile d'une bonne marque™ collée sur l'écran. "De l'art moderne" pour ceux qui en douterait, comme on dit aussi "De l'électronique embarquée" ou "De la pression dans un pipeline" )



MESSAGE N°233


PHOTOMOBILE N°233 / JL GANTNER 2007
Message envoyé de la RN57, Franche comté-France
12 sept 2007 à 16H45 GMT



LES PHOTOMOBILES™ DE JL GANTNER SONT VISIBLES À LA GALERIE LA PRÉDELLE À BESANCON







LE COUP DE CHAUD / XVII



(ROMAN EN LIGNE)
LE COUP DE CHAUD
-17-



Un roman... et c'est évidemment Tony™ qui s'y recolle ! Sacré Tony ™ ! Un roman... ou une somme de lignes superposées au mouvement de l'air ambiant. Un de ces procédés écologiques pour dire la couleur verte qui lui coule dans les yeux au lieu d'une industrie lourde incapable de le distraire vraiment. Un roman... disons plutôt une correction à la volée d'un vieux manuscrit laissé pour compte par faute de temps, l'été 2003. Le coup de chaud... où ce qui arrive à force de prendre des douches froides au travers du cadre strict d'une météo de merde. Le coup de chaud ou une façon de décliner un paquet d'histoires anciennes, des engrenages, la mécanique rouillée des passions en retard. L'effort illuminé d'en découdre avec ses vieilles leçons de voyages, les malles défaites un peu partout dans le coeur de gens admirables et réconfortants. Le coup de chaud... comme on dirait : de La poésie, le cinéma... un tas d'emmerdements à la fin.


(PUBLICITÉ)



CHAPITRE 9
BLEU CHIOTTES
(où il doit être question de la couleur de l’uniforme, et du mal qu’on doit avoir à l’enfiler)


C’était le jour du départ d’Antoine (la conséquence de sa décision, péremptoire, d’essayer de gagner sa vie comme photographe de guerre au lieu de s’engager comme tout le monde dans le portrait de communiantes ou les défilés de mode... les couvertures des magazines people.) Marie s’était débrouillée pour le rejoindre sur le quai de la gare en inventant à Tony n’importe qu’elle excuse bidon pour qu’il la laisse sortir de l’appartement sans faire d’histoire. Affalé devant le poste, son abruti de mari n’avait même pas tiqué une seconde. Un vrai con ! La jeune femme se souvenait avait couru aussi vite qu’elle avait pu. D’abord la cinquantaine de marches descendues quatre à quatre pour rejoindre le bas de l’immeuble, puis les deux kilomètres et demi d’un revêtement de sol mal commode sur les trottoirs qui la séparaient encore d’Antoine. Marie se souvenait de tout. Ses cheveux dans les yeux qui l’empêchaient d’y voir clair en courant comme une dératée, la température élevée sur son front, la braise sous ses pieds pendant qu’elle cavalait comme une folle à travers les rues étrangement vides de la ville ; l’air poisseux de cette fin du mois de juillet sur son corps ; sa robe (rose) toute collante... sa paire de talons aiguille les mieux aiguisés, une arme ostensible dans chaque main. Ensuite l’image était plus floue. Son amant qui l’embrasse, Antoine qui parle vite en même temps qu’il l’embrasse. L’écho de leurs salives mêlées au son strident du coup de sifflet annonçant l’entrée du train en gare, le roulement de montagnes dans son cœur lorsque l’immense verrière métallique s’était mise à trembler au-dessus d’eux. Lui... une dernière image de lui dans son costume de reporter flambant neuf sur fond d’un puissant moteur diesel qui tirait tout un train vers Paris. L’envie de gerber juste après. L’amour de sa vie en plan serré sur la ligne Paris-Bâle et une certaine idée des fondus enchaînés qui suivraient son départ. Marie se monte un film, un vrai polar... Marie et ses yeux plantés au fond de son verre de Krieck, son béguin qui fout le camp. Marie titube au-dessus de sa mousse en repensant à son amour perdu ; tout ce qui se termine sur le quai d’une gare, les voyages sensibles, les virées clandestines... tout ce qu’on préfère des chemins de traverses à l’usage des transports en commun. Marie qui finit par vomir sa bière à la cerise trop sucrée, son amour exécrable qui la quitte. Assise au comptoir du Citizen, la jeune femme aligne les bocks de Gueuze en récitant des vers opaques sur le thème des chemins de fer et leurs tarifs exorbitants pour une simple bonnetière, une jeune salariée du secteur textile et sa voie toute tracée (une belle grammaire enchaînée à son mode de transports programmé dés le départ). Antoine filait vers le Vietnam, la baie d’Along, le golf du Tonkin... Quant à elle, Marie pris ce soir-là sa décision de trouver n’importe quelle manière originale d’essayer de se foutre en l’air dés le lendemain.

Et remarquez comment à l’instant d’une épreuve tragique, d’une circonstance un peu raide... un petit rien vous frappe la raison, dont on ne sait trop pourquoi ce détail insignifiant vous reviendra plus tard en mémoire, comme corollaire de tous les courants d’air un peu forts qui vous traverseront l’esprit. Un détail insignifiant comme le banal coup de sifflet d’un cheminot en gros plan, au lieu d’un cœur serré sous la lumière d’une immense verrière jaunâtre ; le signal strident d’un fonctionnaire de la compagnie nationale des transports ferroviaires... au lieu des lèvres pressées d’un amant prêt à partir, et qui la laisserait là, seule... elle et sa vie médiocre, elle et sa toute petite vie ; elle et tout ce qu’elle s’était imaginée changer de son destin tout tracé, par le biais d’une étoile qui filait maintenant vers la mer de Chine, le Mékong... Lui, le souvenir de son corps impatient sur le quai d’une gare de l’Est de la France et recouvert d’une quinzaine de fermes à treillis d’une taille considérable composant l’architecture du grand hall terminé en 1895 pour protéger les voyageurs des intempéries de leur époque ; une date, ce jour par exemple... « Un lundi dans la soirée ». Après ça, elle ne s’était plus souvenue de rien. Juste l’idée d’un express sans destination précise qui lui était passé dessus, au lieu d’un voyage astral retransmis en direct qui aurait peut-être su la réconcilier avec les grandes affaires du ciel, la couleur endolorie des ténèbres, l’éclat des lanternes galactiques dans le grand noir sidéral. Ce lundi dans la soirée... ce lundi 20 juillet un peu chaud de l’année 1969 entre vingt et une et vingt-deux heures (heure américaine).

-Bonnetière... Je suis bonnetière-remmailleuse chez Poron S.A. Je... Je fais aussi des à-côtés non déclarés dans un atelier de passementerie. Je ne sais pas si vous vous voyez le boulot ? Regardez mes mains... La couleur désagrégée de la peau de mes mains, des cors qui s’élargissent à chaque doigt. C’est pour le gosse que je fais ça, vous comprenez... Mon petit Jules... Parce que si je compte sur son père... Marie débouche un oeil, fend ses lèvres, finit par entrevoir un peu de lumière dans la nuit sombre qui éparpille la ligne du caniveau de la rue Michelet, présume d’une couleur primaire qui l’attire... du bleu, un flic qui la redresse... Marie ouvre encore un peu plus la bouche, vomit !

-Faudrait essayer de vous lever maintenant, vous savez l’heure qu’il est ? Est-ce que vous avez conscience de l’heure qu’il est ?!... Essayez de vous appuyer sur moi, allez-y. Comment vous vous appelez ? Est-ce que vous pouvez me dire comment vous vous appelez ? La jeune recrue du commissariat de quartier parlait, ayant appris qu’il fallait toujours parler dans ces cas-là.
-Bonnetière... Je suis bonnetière... chez Poron, répétait Marie. Je ne sais pas si vous vous rendez compte ! Quarante heures par semaine à moins de cinq cent balles par mois, et on est des milliers comme ça. Des dizaines de millions de petites mains, des soubrettes amovibles... des travailleuses interchangeables. Du petit personnel promis à rien, la grande famille des domestiques élevés pour cirer les pompes d’un tas de salauds qui pensent que le monde leur appartient sous prétexte qu’ils sont nés du bon côté du ruisseau. Un petit groupe d’individus occupés à s’entendre entre eux sous prétexte d’un nom de famille adapté à leur façon de penser.
Marie râlait, plus qu’elle ne réussissait à exprimer clairement au binôme de la force publique toute sa rancœur, toute sa bile.

-Et faudrait encore discuter des conséquences du vent d’où qu’il vienne ; du vent quand il tourne... à cause des chocs thermiques au fond des yeux des gens, les coups de chaleur dans le dos, tout ce qui arrive par derrière lorsqu’on ne s’y attend pas... Oui, des brûlures vives sur la peau et du soleil couchant juste après. Une insolation suivie d’un peu d’ombre pour tenter de se calmer devant l’image d’un train lancé à toute vitesse sous les lignes électriques. Un courant alternatif de lumière douce pour se rassurer dans les vapeurs du soir ; un éclairage intermittent entre chien et loup pour espérer voir les effets miroitant des rayons lunaires dans les ombres pâteuses... Je veux dire, les zones floues, les ondes vagues juste après les contraintes d’un éclairage rasant. Et ce putain de trottoir là !... Cette sacrée putain de marche qui nous sépare du ciel !

Le flic mesura d’un clignement d’œil exercé, la hauteur relative d’une bordure de trottoir qui servait aussi d’accoudoir à la jeune femme en état de choc. Quelques centimètres seulement. « Une putain » de marche de quelques petits centimètres en forme d’un palier impossible à franchir pour quiconque se serait trouvée dans l’état de Marie cette nuit-là. Une distance parfaitement ridicule à enjamber en temps normal, convertie en aspérité monumentale, une véritable calamité géographique sur le chemin de la jeune femme.

Lui... Je crois qu’il fait route quelque part dans un paysage fulgurant. Quand je dis lui, je veux dire sa façon si particulière de s’imaginer la terre en train de voler ; Lui, et je ne sais pas ce que ça peut bien vous foutre, à vous ?

-Appuyez-vous sur moi, insistait Poule, vous n’y arriverez pas toute seule. Allez-y, n’ayez pas peur, appuyez-vous. Poule, c’était le nom du bleu-bite penché au-dessus de Marie pour essayer de l’aider à se relever. Poule... Bon, oui et alors ?! Poule... c’était pas plus con que Chaumont ! et puis c’était facile à retenir pour un flic. « Poule » comme l’appelait juste ses collègues... Le type était habitué à son nom, mais préférait quand même qu’on l’appelle par son prénom. Il préférait à : « ma poulette », « ma petite poule » ou « poupoule »... Il préférait au « sale poulet ! » qu’il prenait souvent dans la gueule, et qui le confondait avec tous ceux qui portaient le même uniforme que lui, sans distinction particulière, ni de sa façon de penser bien à lui... ni de son souci pour le travail bien fait, le sens inné du détail, un maniaque de la chose à sa place. Un vrai con... aurait dit Vanessa. Poule... donc ! avait noté consciencieusement le nom, l’âge et l’adresse de Marie sur son carnet réglementaire ; son collègue resté en retrait, avait tout recopié en douce, moins les fautes de français. Il avait aussi inscrit l’heure précise : « 3 H 56 », le 21 juillet 1969.


vendredi 1 mai 2009

MYRIAM DRIZARD


DU 7 MAI AU 27 JUIN 2009
GALERIE LA PRÉDELLE À BESANÇON

EXPOSITION DE MYRIAM DRIZARD





La nouvelle « sortie » de l’artiste est un événement. Je veux dire un événement dans le sens d’un véritable bouleversement cosmique. D’aucuns me jugeront certainement excessif en la matière d’une critique dithyrambique à la faveur d'une jeune femme retirée du monde commun, même et y compris de cette importance capitale pour le futur de notre art le plus accompli. La peinture... Mais comment ignorer une des oeuvres majeures de notre temps, en construction sur les bords de la Loue.

Car voilà qu'il il y eut lors d’une précédente exposition en 2006, cette façon, qu’elle, l’artiste, eut de tirer les tendons, les fibres musculaires... d’une humanité déchirée dans un bain de peinture écarlate étalée sur du verre à la manière d’une école alsacienne et d’outre-Rhin du XVIIIe siècle. Il y eut aussi cette impression de vertige d’un corps ausculté sur des toiles grands formats, ce flou de quelques machineries humaines funèbres trempés dans la mémoire d’un Rembrandt renaissant. Une véritable « leçon » d’équilibre sans le moindre effet acrobatique. Cette fois, le jeune « maître » de peinture (et pardonnez-moi de ne point me résoudre à conjuguer la définition au féminin) convoque Manet à son dessein. Un « déjeuner sur l’herbe ». Un « scandale » impressionniste. Une « partie carrée » dans « un bain » de lumière bleu nuit qui sied tellement à ce dépôt de mortier intuitif sur la surface d’un verre pieux. Voilà pour l’accroche, l’affiche, le clou du spectacle avant d’oser entrer vraiment dans la manière, la mystique éclairée de la jeune « coloriste » d'Ornans. Cet autre navire de proue par exemple, cette esquive... Un embarquement fantomatique... pour je ne sais quel Styx moderne. Une traversée considérable, pour parvenir peut-être à cette « Arcadie » dont nous parlions en déjeunant sur l’herbe tout à l’heure ?



Galerie ouverte : jeudi, vendredi, samedi
10h à 12h et 14h à 19h
96 rue de Belfort 25000 Besançon
Tél : 03 81 50 15 57
www.galerielapredelle.fr


VOIR LE PRÉCÉDENT ARTICLE ET UNE VIDÉO SUR L'ARTISTE PUBLIÉS DANS LE JOURNAL DE NÉON™
REMBRANDT ET MYRIAM DRIZARD