mercredi 22 avril 2009

LE COUP DE CHAUD / XVI



(ROMAN EN LIGNE)
LE COUP DE CHAUD
-16-



Un roman... et c'est évidemment Tony™ qui s'y recolle ! Sacré Tony ™ ! Un roman... ou une somme de lignes superposées au mouvement de l'air ambiant. Un de ces procédés écologiques pour dire la couleur verte qui lui coule dans les yeux au lieu d'une industrie lourde incapable de le distraire vraiment. Un roman... disons plutôt une correction à la volée d'un vieux manuscrit laissé pour compte par faute de temps, l'été 2003. Le coup de chaud... où ce qui arrive à force de prendre des douches froides au travers du cadre strict d'une météo de merde. Le coup de chaud ou une façon de décliner un paquet d'histoires anciennes, des engrenages, la mécanique rouillée des passions en retard. L'effort illuminé d'en découdre avec ses vieilles leçons de voyages, les malles défaites un peu partout dans le coeur de gens admirables et réconfortants. Le coup de chaud... comme on dirait : de La poésie, le cinéma... un tas d'emmerdements à la fin.


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CHAPITRE 8
in l'osmose
INTRODUCTION À LA NATURE HUMAINE


« Vanessa comment déjà ?... » Jules, recroquevillé sous les aulnes détrempés, fulmine contre la terre entière, la pluie, l’été pourri, les emmerdeurs, les cons, le mondialisme à la con, les antimondialistes, les alters… Tout ce qui pèse lourd dans la connerie générale ! Une météo infecte. Une simple coulemelle, mais d’une taille respectable d’au moins quarante centimètres s’ébranlait sous le grain. Juste une image d’un champignon tout à fait comestible du groupe des lépiotes, plantée dans le yeux de Jules qui commence à prendre l’eau… Une odeur significative de noisette. Jules s’était souvenu que son père adorait ça. Oui, les champignons avaient changé la vie de son père, il s’en souvenait très bien ; (son père et ses aphorismes à propos de la pluie, ses proverbes à propos du temps qu’il ferait…) et puis, les arbres aussi ; les charmes, les bouleaux, les hêtres, mais Jules n’aurait pas su dire exactement pourquoi.

Tony… Tony Chaumont, un nom de ville pour fonder une famille, et ça commençait mal forcément ! Tony, le mari de Marie… Pour vous dire la somme d’emmerdes dés le début. Marie, son petit cul bien foutu, tout son amour à revendre, et un gars du bâtiment qui préférait passer ses soirées au bistrot au lieu de rentrer bricoler à la maison, s’occuper des courses… Non, rien n’était gagné d’avance ! Jules s’était dit que pour sa mère non plus, les choses n’avaient pas toujours dû être faciles tous les jours. Toutes ces années, les meilleures… (Un taux de croissance annuel de 5% en France jusqu’en 1974 pour un taux de chômage de moins de 2%). Qu’est-ce qui n’avait pas marché ?

C’est-à-dire que c’est comme ça que les choses ont dû commencer. Une idée simple au départ, mais qui se faufile très vite dans les trous d’airs, qui profite du moindre interstice. De cette simple manière là. Une simple hypothèse de travail, un beau projet sur le papier ; le dessin d’un système qui fonctionne en théorie, mais parfaitement inapplicable dans la réalité. Voilà où nous en étions arrivés.

Jules est ratatiné sur lui avec des paquets d’eau qui lui dégouline de partout. Un sentiment amer alors qu’il est loin de la plage, des marées estivales. Un reflux balnéaire insinué dans l’été propice, et nous voilà bien avancé. Un vrai bordel à remettre en ordre depuis le décor imbibé et jusqu’à sa manière d’hêtre. Jules, que je vous dise aussi ! Le type, fonctionnaire à la direction d’un service abscond du cadastre, épris d’une Vanessa d’abord un peu trop jeune pour lui. Une Vanessa de style Baroque, et ses seins en forme de bombes à retardement pour espérer sauter quelques pages jusqu’à l’endroit d’un tableau vernis à l’ancienne. Un drôle de tableau avec Vanessa les cuisses ouvertes au milieu. Un type, et vous l’imaginez bien... le genre de type et sa cravate revêche pendu à son cou. Un acariâtre déguisé en chien de fusil à cause de sa crainte de finir noyé dans les bois sans que personne le chasse. Des symptômes d’une dyslexie détectée tardivement qui n’arrangeait rien. (Jules se rendait régulièrement dans un service de neuro-psychologie réputé d’un CHU parisien, mais son orthophoniste lui avait conseillé de ne plus insister). Le cadre de la fonction publique décentralisée trimballait comme ça quelques points d’embarras depuis l’enfance. Des difficultés de concentration qui nuisaient forcément à ses qualités de synthèses.

Sous le ciel dégringolé, Jules s’inquiète des masses de gris noircis ; s’inquiète et pour dire les choses honnêtement, finit par se chier dessus franchement. Une tendance aussi aux ulcères qui ne pouvait venir que de son père.

On cherche toujours dans la vie des gens ce qu’ils leur manque pour qu’ils puissent se détendre un peu. Une opinion toute faite sur la vanité des blizzards par exemple, Une certaine indifférence au mauvais temps, à toutes les mocheries climatiques passagères. Et puis ce tempérament sincère qu’il leur faudrait pour apprécier l’absurdité des histoires modernes (le chahut du temps présent, le goût des glissades racoleuses... les toboggans idéals du monde libre. Tout ce qui se passe à quinze mille au lieu des archanges obsolètes ; les kilomètres/heure avalés pour rien dans les ciels mornes, les crises de foi ; l’activité policière qui la remplace).

Pour Jules et son sens étendu des calculs, Jules qui pensait toujours à tout et toujours en même temps pour ne rien oublier d’important... cette nature humaine expressionniste pour ne pas dire plus, et pleine de salive à r’abord d’estomac, dégueulait d’instincts chaotiques et souffrait de désordres multiples ; un tas de gens dérangés qu’il conviendrait un jour de faire revenir à la raison par tous les moyens. Tous... et Jules pensa qu’il était déjà grand temps d’engager un processus de retour aux vraies valeurs, aux valeurs vraies, essentielles pour le bien commun et la condition générale. Un jour, ministre ou au moins secrétaire d’état, il veillerait enfin au respect des droites lignes et des carrefours balisés. Ce don qu’il avait contracté tout petit pour les horizons garantis, les destins certifiés. Dans le cinéma, le théâtre, la littérature comme dans le reste, au service du plan comme dans l’audiovisuel public... rien ne lui échapperait ! Ni la pluie, ni toute cette saloperie de mouillure forestière qui commence à lui rentrer dans le slip depuis bientôt une heure. Une grande mission de salubrité publique pour laquelle le fonctionnaire d’état se sentait tout désigné. Jules, malgré l’orage et les suintures saumâtres qu’il devinait ruisseler sous ses vêtements de peau, eut alors une sorte... d’érection, un vrai mouvement de désir fortuit à l’endroit du substrat arrosé, une démangeaison embarrassante comme lorsqu’il dépassait les gorges abjectes de cette petite secrétaire contractuelle du rez-de-chaussée. Vanessa... tout ce qu’il lui aurait bien avouer sur ce qu’il pensait vraiment d’elle, de ses seins comme une obsession ; un tas de films qu’il se faisait à propos de son corps bien fait et de ses grands yeux qui allaient avec ; les chewing-gums aux fruits qu’elle mâchait et sa robe rose un peu froissée à force de continuer d’avoir chaud les cuisses trempées sur son fauteuil en sky. (Une température exécrable pour à peine huit balles de l’heure !...) Vanessa... mais son chef de service n’avait encore jamais osé lui demander son nom entier (un des effets pervers des opérations délicates de remembrement(X) forcé. Des tas de terres ancestrales et leurs noms rustiques mélangés. Tout un ensemble de nouvelles marques™ de substitution pour remplacer les terroirs en tête de gondoles des grands magasins) le corollaire obscène du procédé d’ajustement cadastral des propriétés foncières. Une concentration de terres cuites au lance-flammes, les méthodes radicales d’un état incendiaire. L’histoire qui se consume, tout ce qu’on brûle un peu vite du passé sans jamais rien remplacer vraiment. Jules, prudent jusque dans ses convictions idéologiques, préféra ne rien juger en hâte d’une vraisemblable perversion d’un courant progressiste de gauche, insinué dans une nouvelle politique rationaliste de droite. Un point de vue qui en valait un autre... comme toutes formes de cogitation intellectuelle s’équivaudraient de plus en plus à partir des années quatre-vingt et des premiers usages de la cohabitation. Une idée comme ça, du moins celle d’un agent de l’administration fiscale chargé de mission sur son terrain d’investigation favori).

-X- En France, le remembrement en tant que tel, largement utilisé depuis l’empire romain jusque dans les années quatre-vingt pour faciliter l’application des politiques d’état en matière d’optimisation du secteur agricole et leur déploiement sur le territoire national, disparaîtrait, au moins sous cette forme, puisque la Loi Relative au Développement des Territoires Ruraux (LDTR du 23 février 2005) l'aura remplacée par la procédure d'Aménagement foncier agricole et forestier. (Où l’on parlerait aussi de remembrement dit écologique... ou d’une certaine prise de conscience du phénomène de destruction massive des barrières naturelles bien utiles contre un ensemble de fléaux environnementaux).



dimanche 19 avril 2009

NAM JUNE PAIK



PORTFOLIO
NAM JUNE PAIK

ARTISTE SUD CORÉEN 1932 - 2006

OU UNE CERTAINE IDÉE DE LA TÉLÉVISION...


Gertrude Stein, 1990
antique television monitors, mixed media with two channels of video
98 X 77 1/8 X 37 inches


TV Bed, 1972/91
Three channel color video, eighteen TVs, antique metal bed frame, wood, puppets
90 1/2 X 78 3/4 X 59 inches


Videochandelier X, 1991
Mixed media
51 1/8 X 47 1/4 inches


Videochandelier X, 1991 (detail)
Mixed media
51 1/8 X 47 1/4 inches


Enlightenment Compressed, 1994
5" color LCD TV, video camera, wood TV cabinet, plastic TV case, bronze Buddha, aquarium stones, and paint
13 X 19 X 17 1/2 inches


Living Egg Grows, 1994
2 small TVs, 2 medium TVs, 3 large TVs, 1 small egg, 1 medium egg, 1 large egg
Approximate overall dimensions: 36 X 108 X 216 inches




NAM JUNE PAIK'S OFFICIAL WEBSITE



mardi 7 avril 2009

LE COUP DE CHAUD / XV



(ROMAN EN LIGNE)
LE COUP DE CHAUD
-15-



Un roman... et c'est évidemment Tony™ qui s'y recolle ! Sacré Tony ™ ! Un roman... ou une somme de lignes superposées au mouvement de l'air ambiant. Un de ces procédés écologiques pour dire la couleur verte qui lui coule dans les yeux au lieu d'une industrie lourde incapable de le distraire vraiment. Un roman... disons plutôt une correction à la volée d'un vieux manuscrit laissé pour compte par faute de temps, l'été 2003. Le coup de chaud... où ce qui arrive à force de prendre des douches froides au travers du cadre strict d'une météo de merde. Le coup de chaud ou une façon de décliner un paquet d'histoires anciennes, des engrenages, la mécanique rouillée des passions en retard. L'effort illuminé d'en découdre avec ses vieilles leçons de voyages, les malles défaites un peu partout dans le coeur de gens admirables et réconfortants. Le coup de chaud... comme on dirait : de La poésie, le cinéma... un tas d'emmerdements à la fin.


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CHAPITRE 7
L'AMANITE TUE-MOUCHES
Amanita muscaria
(SUITE / 3)


Un après-midi d’avril, alors qu’il était venu récupérer son disque Sgt Pepper’s des Beatles dans l’appartement de ses parents, la jeune astrologue le contraignit une dernière fois à conclure un pacte avec les puissances occultes de la forêt voisine, un dernier soubresaut amoureux. Il faisait encore frais, l’ex alpiniste, le forceur de cimes à la retraite… n’avait pas forcément envie de sortir pour baiser dans la nuit noire des sous-bois et pensait aussi qu’il aurait l’impression de s’agiter dans le sens d’un lointain souvenir, ce qu’il détestait comme toutes autres formes de conservatisme ; par principe, ou par opposition momentanée, conjoncturelle… à son éducation bourgeoise. Le jeune homme préféra d’abord discuter de Their Satanic Majesties Request, le dernier album des Rolling stones. « Psychédélique et… nul ! » Marion se déshabilla doucement avant de s’allonger sur le banc de la cuisine en bois blond d’origine suédoise (le souvenir d’un voyage à Stockholm ramené par ses parents). Antoine regretta le fauteuil à médaillon de sa mère, mais vaqua tout de même à son devoir de mémoire avec l’ardeur de son âge et l’envie de tester les limites de la résistance scandinave à l’export. Un truc en kit vendu sur catalogue, du prêt-à-monter en un seul tour de vis avec des chevilles plastiques. Marion tenta de retenir Antoine en elle par quelques procédés magiques de sa propre invention, lui rappela son arbre de vie à la croisée de tous les chemins qu’ils avaient emprunté ensemble depuis près d’un an ; tout ce qui leur avait plu de partager dans le paysage des grandes forêts enchantées ; les colonies de saprophytes dans l’ombre humide des ramures, des russules violettes aux pieds charnus qui les avaient tant fait rire, les geais et les pinsons, les petits écureuils qui couraient sur les troncs… leur abécédaire commun pour parler de leurs convictions respectives, même s’ils n’étaient jamais d’accords sur le fond ; enfin, la possibilité d’une dernière aventure sur le terrain des croisements naturels et de la division cellulaire. Marion au martyr et perlée de sueur parfumée de brumes assassines ferma encore une fois les yeux en hurlant avant de coller une gifle magistrale au grand amour de sa vie. Tout ce que j’ai sur le cœur… tes regards infestés de mousses intangibles, toutes ces marques de toi sur mon corps, ton mépris du ciel, tes empreintes de doigts sur ma peau infectée, tes regards jetés sur le vide, ta propre mort dans ma vie, tes abîmes à en crever, tes masques d’adieux peints sur les murs de mon lit. Putain, va te faire foutre ! Dégage ! Puisses-tu déguerpir de ma vie que je puisse enfin pleurer, me répandre… que je puisse enfin tout cramer. Mon héros… Tout ton corps meurtri, tes armures essentielles ; tes yeux bleus comme le ciel, toutes tes marées, tes angles de grandes profondeurs et tes horizons lointains… Antoine n’avait pas tout compris. S’était juste rhabillé, savait que c’était la dernière fois qu’il se rhabillait dans les yeux de Marion pour de vrai. Antoine s’était dit qu’elle était tellement belle, son corps merveilleux, l’odeur de sa peau… Le garçon s’était dit que Marion fût aussi un peu fragile, dans son ventre qui contenait l’univers et mille étoiles pour essayer de le faire briller. Antoine s’était dit, oui, qu’il serait bien resté, mais que ce ventre-là aurait fini par lui foutre la trouille, une frousse épouvantable… La trouille de vivre à deux sans le moindre espace pour les séparer du monde réel (à deux sous le même toit et un p’tit).
Au mois d’août soixante-huit, les esprits lunaires auraient achevé d’accomplir leur ouvrage dans un immense sentiment de tristesse partagée de part et d’autre du rideau de fer qui séparait encore l’Europe en deux façons de penser strictement contradictoires. (Ceux qui affirmaient l’impératif d’un Prince comme ingénieur du désir et de quelque liberté que ce fut, comme corollaire indispensable à une sorte de pax romana moderne. « Pas de société sans pouvoir » affirmaient ceux-là... contre ceux de la grande tradition libertaire, ceux qui refusaient tout en bloc ; ceux qui préféraient voler de leurs propres ailes, mais qui finiraient aussi par vouloir garder tout l’air pour eux. Ceux qui espéraient dans la solidarité sociale, et ceux qui pensaient qu’elle représentait un coût exorbitant pour la réussite de leurs affaires. Ceux qui croyaient à la stricte application des contrats qui auraient tenté d’attaché les individus au groupe dans la perspective du bien commun, disons Rousseau, pour aller vite... contre ceux, plus tard, qui avaient plutôt souhaité s’attacher entre eux de la manière qu’ils leur plairait ; disons les sado masochistes pour rigoler un peu. Le droit public contre le droit privé. Le droit de s’aimer un peu contre le droit de continuer de se faire enculer...) Tout le monde finirait par oublier Prague, au moins jusqu’à l’hiver quatre-vingt-neuf… Prague et puis les voyages d’agrément à Moscou jusqu’à l’installation du premier Mc Do sur la place rouge, la fin des années de plomb ; Prague, Moscou, Pékin… la révolution culturelle en Chine et le reste ; comme on oublierait plus tard les morts en Somalie, le Bengladesh, le Rwanda… comme on oublierait tout ce qu’on s’amusait bien dans les manifs (95, 2002...), comme tout le monde oublie tout si facilement, comme Antoine oublierait aussi Marion, comme vous, comme moi.


(À SUIVRE)







vendredi 3 avril 2009

PHOTOMOBILE™ - 117 -118



LES PHOTOMOBILES DE JL GANTNER

(Des images réalisées à partir de son téléphone portable, ses communications régulièrement mises "en ligne". Tout un commerce d'échange et totalement inutile de libres transports avec un vrai mobile d'une bonne marque™ collée sur l'écran. "De l'art moderne" pour ceux qui en douterait, comme on dit aussi "De l'électronique embarquée" ou "De la pression dans un pipeline" )



MESSAGE N°117


PHOTOMOBILE N°117 / JL GANTNER 2006
Message envoyé de Lons Le Saunier, Franche comté-France
5 mai 2007 à 13H24 GMT



MESSAGE N°118


PHOTOMOBILE N°118 / JL GANTNER 2006
Message envoyé de Lons Le Saunier, Franche comté-France
5 mai 2007 à 13H25 GMT



LES PHOTOMOBILES™ DE JL GANTNER SONT VISIBLES À LA GALERIE LA PRÉDELLE À BESANCON







jeudi 2 avril 2009

LE COUP DE CHAUD / XIV



(ROMAN EN LIGNE)
LE COUP DE CHAUD
-14-



Un roman... et c'est évidemment Tony™ qui s'y recolle ! Sacré Tony ™ ! Un roman... ou une somme de lignes superposées au mouvement de l'air ambiant. Un de ces procédés écologiques pour dire la couleur verte qui lui coule dans les yeux au lieu d'une industrie lourde incapable de le distraire vraiment. Un roman... disons plutôt une correction à la volée d'un vieux manuscrit laissé pour compte par faute de temps, l'été 2003. Le coup de chaud... où ce qui arrive à force de prendre des douches froides au travers du cadre strict d'une météo de merde. Le coup de chaud ou une façon de décliner un paquet d'histoires anciennes, des engrenages, la mécanique rouillée des passions en retard. L'effort illuminé d'en découdre avec ses vieilles leçons de voyages, les malles défaites un peu partout dans le coeur de gens admirables et réconfortants. Le coup de chaud... comme on dirait : de La poésie, le cinéma... un tas d'emmerdements à la fin.


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CHAPITRE 7
L'AMANITE TUE-MOUCHES
Amanita muscaria
(SUITE / 2)


Depuis sa première virée dans la forêt de Marion, Antoine s’était considérablement émancipé sur le plan sexuel au détriment de ses facultés premières en poésie. Des progrès en science dont Pierre aurait pu s’amuser, au contraire de sa prof de français qui commençait à ne plus y comprendre rien. « Un usurpateur… un fumiste, voilà tout ! » La belle affaire d’un type plein de talents qui gaspille tout en conjectures imprécises pour se faire remarquer dans les cercles réputés de la science infuse. Marion avait tout essayé en forme de lettres que la jeune fille gardait serrées entre ses cuisses pour l’aider à vomir les soirs de cuite. Des billets doux qu’Antoine effeuillait les uns après les autres, dans un bouillon de culture archaïque. Des lettres qu’il s’empressait de reproduire par goût du dessin, des traits et des plis délicats, sur son cahier à spirale. Des lettres ou une somme de caractères plutôt ; épandus à partir d’une lettrine cabalistique, une forme élémentaire d’un papillon bleu exotique à la manière d’un « M » majuscule introspectif. M comme Marion ; M comme Muse… M comme ça m’amuse de baiser avec elle dans les bois… (mais) c’est aussi le Mois de Mai qui arriverait bientôt. À une autre page, le journal poursuivait par une suite de casses, sensiblement plus ouvertes sur le monde extérieur. Un M comme joli Mois de Mai, un M… comme Mai 68 (les manifs à la Sorbonne, les barricades dans le quartier latin…) M comme Marxistes-léninistes pro chinois, comme Maoïstes « égarés » dans la perspective d’une jeune garde rouge à la française, pour se délivrer du mal gaulliste et d’un tas de saloperies bourgeoises et réactionnaires qui allait avec… Les freudo-marxistes libertaires, truc, machin… et leur impressionnante Marge de progression pour réussir à finir quelques années plus tard dans les rangs d’un néolibéralisme sauvage et mondialisé…) M comme Marijuana pour aider à faire des trucs aussi contradictoires sans se rendre compte de rien… M comme Minijupes (comme tout ce qu’on pourrait maintenant voir dessous sans avoir à se baisser), M comme Révolution sexuelle, et c’était quand même pas trop tôt ! (Un certain sens de l’emportement d’Antoine avait manifestement dû laisser échapper la possibilité d’un caractère… relativement inopportun dans ce contexte d’un abécédaire aussi rigoureux). La liste s’allongeait sur plusieurs pages de digressions plus ou moins cultivées, jusqu’au M de… Marie.

-X- On avait encore rajouté à l’encre effaçable : M comme le Mépris. JL Godard 1963

À la lettre « V » comme Verbatim, Verlaine, Valgaudmar(X), ou Vermeer… Marion ressentit comme une forte douleur au ventre, une impression de dégoût tout de suite après. Vérone, Venise… Marion n’avait pas voulu insister. À la radio, on annonça l’assassinat de Martin Luther King à Memphis, Tennessee, mais il était déjà trop tard !

-X- Vallée étroite et encaissée du massif des Écrins. Réputée pour son pastoralisme, son manque d’ensoleillement en hiver et ses oreilles d’ânes…

Les mois qui suivirent eurent des effets déplorables sur la condition physique de la jeune partenaire d’Antoine. Une période critique de la politique française où montait jour après jour une irrépressible envie de s’exprimer à l’endroit d’une jeunesse étudiante des beaux quartiers parisiens, bientôt prête à tout foutre en l’air pour se faire de la place dans le conservatisme « solidaire » et « durable » D’une époque où tout allait pourtant pour le mieux. Cette manie des français de vouloir tout le temps la ramener, de ne jamais se satisfaire de rien, d’en vouloir toujours plus alors qu’ils n’en foutent déjà pas une rame… Cette façon qu’ont les petites gens d’espérer changer le monde à coup de slogans souffreteux dans la foule ramassée. Des communistes… Une bande de saloperie de gauchistes, des fouteurs de merde et puis c’est tout !

Cette sorte d’idée et mille autres du même acabit… faisaient l’objet de nombreux débats, de longues soirées à boire au « Citizen Kane ». Des désaccords à n’en plus finir, tranchées entre deux catégories de discoureurs d’élite. « Entre ces deux groupes d’humanité en progrès » (et là aussi : le philosophe de Ribemond, le légataire testamentaire des lumières, le dernier des encyclopédistes, le mari de Sophie… aurait pu trouver matière à compter) Mille formes de positivisme entraînaient mille manières constructives de s’y opposer formellement... ou le contraire le plus souvent ! Le progrès chiffré contre l’idéal indéchiffrable... ou tout l’inverse encore ! L’exercice creusait des fossés entre des paquets d’ « artistes-philosophes » de la bonne société et un tas de gens « de terrain »… Ceux-là, et ceux qui détestaient la culture physique, les trop grandes enjambées, l’impression de vitesse, de creux dans les vagues et le vent dans les yeux ; ceux qui creusaient des écarts de champions olympiques derrière eux et ceux qui creusaient tout court sans espoir de rattraper personne (« Tous ces putains de bougnouls(X), les rats, les maghrébins, et puis tous ces africains qu’on commencerait un jour à voir débouler de partout »…) ceux qui bouchaient les trous ; ceux qui rebouchaient tout juste avant de partir pour qu’on les oublie, pour qu’on leur foute enfin la paix. Les alpinistes et ceux qui préfèrent la plage, les « girondins » contre les « montagnards » ; la vita contemplativa et la vita activa, le ciel et la terre... Un sacré joyeux bordel !

-X- N.D.E. Le terme « Bougnoule » est ici employé avec toutes les pincettes et les guillemets qui conviennent, et bien avant qu'on lui adjoigne le synonyme d'« acculturation » responsable de pas mal de maux affligeants dans les écoles françaises. Car vérification faite, et nous avons bien sûr tout, absolument tout vérifié avant d’imprimer, comme il est de notre nature de le pratiquer, pour être bien sûrs de ce que nous pourrions nous faire reprocher de ne pas avoir suffisamment tout et vraiment tout vérifié, par mesure de précaution et de sécurité pour le bien de tous, de nous-même et de l’auteur. Pour sa protection, la nôtre, ceux des lecteurs qui seraient en droit de se poser la question et d’espérer une réponse rassurante… Par respect des règles d’éthique et du code de déontologie propres au métier de diffuseur culturel dont nous mesurons toute l’importance pour les générations futures. Pour l’histoire, en tant que le texte témoigne de faits de dates et de lieux absolument et incontestablement véritables... Nous tenons à préciser au jour de l’impression, qu’à notre connaissance et d’une façon avérée et indubitable : Aucune personne de couleur n’avait jamais encore fréquenté l’établissement (ci avant et après dénommé dans le texte « le Citizen Kane »), au moment de l’action décrite dans cet ouvrage. Aussi et au vu de ce qui précède, conscient de l’inopportunité d’une telle erreur commise par l’auteur et uniquement par lui-même, comme le dit-auteur nous l’a avoué par écrit et signé à notre demande devant huissier (et l’acte est bien sûr à déduire des bénéfices partagés par cette personne) ; nous donc ! nous l’éditeur, déclinons toute responsabilité passée, présente et à venir, individuelle ou collective, consentante ou non... quant à l’interprétation raciale discriminatoire qui pourrait foutre en l’air l’esprit général du texte et sa mise en conformité avec les lois en vigueur dans ce pays (ce pays et tous ceux dans lesquels il pourrait être négocié des droits de traduction à l’avenir).

Au point des derniers verres d’alcool supplémentaires offerts de part et d’autres des différents camps opposés, la quête du progrès infini de l’esprit humain s’achevait invariablement de la même façon. Une véritable foire d’empoigne, et « Kane » en personne (pas le mari de Barbie, mais le patron du troquet qui défendait toujours la cause de ses propres intérêts) foutait tout le monde dehors à coup de pompes dans le cul, sans distinction de couche sociale dominante ni de catégorie socio-culturelle particulière. Kane… Un drôle de sacré puncheur ! Le mec était gaulliste, je crois ? (ce qui ne présente qu’un intérêt tout à fait limité pour ce qui nous concerne ici.) Enfin, le type resté gaulliste comme tout le monde même après les événements. Mais là, c’était juste avant ! Juste avant le bordel dans les rues à Paris. Juste avant le souk dans les amphis, sur les boulevards et dans les usines. « La chienlit ». Juste avant, ou disons, quelques mois plus tôt, pour être un tout petit peu précis d’un point de vue historique. Un véritable hiver de merde sur le plan musical. Sheila caracolait au top des ventes de 45 tours depuis plusieurs années, mais il y eut encore pire ! Pensez qu’Éric Charden par exemple (Eric qui ?!...) tentait de chanter l’Ave Maria pendant que les Charlots répandaient leur célèbre Paulette, la reine des paupiettes sur les ondes radiophoniques à la fois belges, suisses et françaises. Michèle Torr… couinait un truc que tout le monde ou presque a forcément oublié, comme ce néo réaliste nationaliste nauséabond de Michel Sardou qui en plus chantait complètement faux. C Jérôme enfin… « C » pour le prénom de la vedette en question, à moins que ce ne fut le contraire ?! Cet hiver-là, ce « C » là avec un Jérôme au derrière, cartonnait dans les hits parade avec Le petit chaperon rouge est mort… Tout un programme ! Par je ne sais quel miracle, le pays avait tout de même réussi à tenir le coup jusqu’au milieu du printemps.

Le nom d’Alexander Dubček(X) commençait à peine de circuler dans les journaux français à propos du mouvement d’émancipation en Tchécoslovaquie. Antoine venait de rencontrer Marie, et Marion fit ce qu’elle put pour encaisser le coup.

-X- À partir du mois de janvier 1968, des réformes libérales entreprises par le nouveau responsable du parti communiste tchécoslovaque promirent un assouplissement du régime et une démocratisation politique. Au programme : un socialisme à visage humain… qui s’achèvera le 21 août avec l’entrée des troupes du pacte de Varsovie dans le pays. Ces événements sont connus sous le nom de Printemps de Prague. (Voir sur le même thème : Leonid Brejnev, deux fois président du soviet suprême, 4 fois Héros de l'Union soviétique, cavalier de l'Ordre de la Victoire, 8 fois titulaire de l'Ordre de Lénine, 2 fois titulaire de l'Ordre du Drapeau Rouge, 2 fois titulaire de l'Ordre de la Révolution d'Octobre, Nombreuses autres décorations…)


(À SUIVRE)