ENQUÊTE
"JE LES RETROUVERAI"
CATHERINE EME-ZIRI / ÉDITIONS FAVRE
La librairie Camponovo à Besançon accueille L’auteur pour une discussion autour de son livre le mardi 8 avril à 20H.
« Elle avait laissé le portable dans la voiture. Il indiquait qu’il y avait un message. « C’est fini. On a arrêté François Thorez à Madrid. Nous avons récupéré vos filles. » (...) Le 31 janvier 1999, son ex-mari avait enlevé Margaux, deux ans et demi, et Blanche, sept mois. Tous les trois avaient disparu à l’étranger. Tout ce temps pour les retrouver... Huit ans et demi sans nouvelle d’elles. Huit ans et demi pour enfin les retrouver. »
Extraits de la première page du livre "Je les retrouverai"
EN PRÉAMBULE À LA DISCUSSION...
C’était un dimanche. Ou pour être très précis, le dimanche 2 octobre 2007 vers la fin de l’après-midi. Madrid... un temps idéal pour aller flâner sous les arbousiers du parc del Retiro. D’abord un taxi depuis l’aéroport Barajas. Une chambre d’hôtel dans le quartier Alonso Martínez, l’adresse barricadée du juge Baltazar Garzon. Dix carabiniers en faction devant le sas d’entrée. Autant de flics en civil. Des tas de gens dans les bars autorisés à fumer. C’est ce jour-là, à cet endroit précis que l’on s’est rencontré la première fois. Amélie... Elle était seule, marchait comme une ombre dans les interstices du papier peint, Un hôtel exécrable. Amélie parlait peu, souriait beaucoup en conjuguant des phrases au futur le plus proche. « Je les verrai demain ». J’avais d’abord hésité à mettre en route ma caméra pour enregistrer ses premières syllabes. Ses yeux... bleus, grands ouverts, immenses comme un continent ; toute la force d’une mère qui coulait dedans. Toute l’impudeur, l’indécence d’un objectif braqué sur la profondeur intime des gens. Je vous raconte-là ma première impression très nette d’une femme, dont le destin s’était brisé huit ans et demi plus tôt. « 3123 jours sans ses filles »... Elle avait compté chaque jour, du matin jusqu’au soir et sans omettre de noter une seule seconde. Mon histoire avec Amélie Guillot fut brève, à peine une ligne dans le livre de Catherine... Bornée à ma mission de reporter de télévision. Un sujet à rendre, un aller-retour à Madrid par l’avion du soir pour l’édition du lendemain. Une simple rencontre « professionnelle », une interview rapide ; une bousculade. (Ne pas oublier les larmes... l’instant décisif en plan serré, bouleversant. Ne pas oublier la couleur du décor espagnol, derrière les larmes pour les « situer » dans l’ambiance caractéristique du café Gijón. Ne pas oublier de faire semblant de « couper » pour pas trop gêner les silences diaphanes). Je me suis contenté de pointer, de mitrailler la tour Picasso pour faire diversion. Un plan fixe de la Plaza de Colón avant de trouver la bonne lumière à la terrasse d’un café art déco. Elle, Amélie Guillot, héroïne malgré elle. Météorite de JT, tout ce qu’elle aurait préféré se taire devant ces sortes d’engins médiatiques aux gros bras, la mécanique pesante d’un grand spectacle d’actualité. Amélie. Piquée sous la focale siglée d’une grande chaîne de télévision. Deux minutes quinze dans un journal pour en découdre avec le rapport des masses et les formes abstraites du sentiment humain. Margaux et Blanche... des détails « sensationnels » dans la profondeur de champ intrusive d’une douleur intime. L’histoire d’un kidnapping dans le coma éthylique d’une revue de presse dans sa version « machinale, automatique ». Tout le contraire d’un bon livre ! L’exercice de l’âme, l’exercice vulnérable de l’Auteur face à la réalité des faits, de tous les faits... Et je veux dire par là, de l’ensemble des fragments d’humanité sensible à déconstruire, des écorchures ; des fleuves d’opacité intérieure à pénétrer. « L’Auteure » (J’ai vu ses yeux dans l’enceinte d’un tribunal de campagne). C’était moins de deux mois après mon expédition madrilène conduite par son propre mari, reporter lui aussi. Thorez, « le monstre », présenté devant le tribunal de Dôle. Sa suffisance, son arrogance ; Thorez coupable, mais sans le moindre remord... Suite et fin du feuilleton sur France 3. Un « direct » dans le 19/20. La lumière d’un soir sibérien d’octobre en contre jour d’un point de vue bon marché sur l’affaire qui « défraye la chronique », un raccourci énergique sans archéologie. Défilé d’images en mode « visible ». des corps en morceaux, François Thorez d’un côté, Amélie de l’autre. Langage binaire. Miroir glacial du procédé narratif exclusif. « Elle » était là, assise sur un banc, celui du public ; prêtant l’oreille au grand cirque judiciaire avec son carnet de notes sur les genoux. À force, l’affaire était devenue « son » affaire. Elle ; journaliste grand reporter, une mère aussi... L’affaire d’une mère face à une autre mère dans l’enceinte d’un tribunal engrossé par cette sordide intrigue d’un père voleur d’enfants. Tout se termine ici... Deux ans d’enquête, deux ans pour comprendre, l’impensable, l’incompréhensible ; et pas une minute de moins. Deux ans... À force, Je crois qu’Amélie et Catherine sont devenues des amies. C'est ce que d'aucuns lui reprocheront sans doute ; L'amitié comme un point de vue qui subordonne l'objectivité d'une enquête, son impartialité. Oui, sauf que l'auteure en question n'est pas juge, qu'elle n'est pas commissaire de police ni même le brigadier chef d'une quelconque entreprise spécialisée dans la fouille au corps, les lampes un peu fortes dans la gueule des gens. Un auteur... Pas un petit caporal, un petit maton de l'information engagé pour faire le tri dans l'actualité sans connaître un seul vers de Verlaine. Un petit curé qui prie Dieu pour se protéger des archanges diaboliques.
Néon™
CATHERINE EME-ZIRI EST JOURNALISTE A FRANCE 3 FRANCHE-COMTÉ. ELLE EST ÉGALEMENT L'AUTEUR D'UNE BIOGRAPHIE DE PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER, SECRÉTAIRE D'ÉTAT AUX PERSONNES ÂGÉES DE LIONNEL JOSPIN.
CATHERINE EME-ZIRI / ÉDITIONS FAVRE
La librairie Camponovo à Besançon accueille L’auteur pour une discussion autour de son livre le mardi 8 avril à 20H.
« Elle avait laissé le portable dans la voiture. Il indiquait qu’il y avait un message. « C’est fini. On a arrêté François Thorez à Madrid. Nous avons récupéré vos filles. » (...) Le 31 janvier 1999, son ex-mari avait enlevé Margaux, deux ans et demi, et Blanche, sept mois. Tous les trois avaient disparu à l’étranger. Tout ce temps pour les retrouver... Huit ans et demi sans nouvelle d’elles. Huit ans et demi pour enfin les retrouver. »
Extraits de la première page du livre "Je les retrouverai"
EN PRÉAMBULE À LA DISCUSSION...
C’était un dimanche. Ou pour être très précis, le dimanche 2 octobre 2007 vers la fin de l’après-midi. Madrid... un temps idéal pour aller flâner sous les arbousiers du parc del Retiro. D’abord un taxi depuis l’aéroport Barajas. Une chambre d’hôtel dans le quartier Alonso Martínez, l’adresse barricadée du juge Baltazar Garzon. Dix carabiniers en faction devant le sas d’entrée. Autant de flics en civil. Des tas de gens dans les bars autorisés à fumer. C’est ce jour-là, à cet endroit précis que l’on s’est rencontré la première fois. Amélie... Elle était seule, marchait comme une ombre dans les interstices du papier peint, Un hôtel exécrable. Amélie parlait peu, souriait beaucoup en conjuguant des phrases au futur le plus proche. « Je les verrai demain ». J’avais d’abord hésité à mettre en route ma caméra pour enregistrer ses premières syllabes. Ses yeux... bleus, grands ouverts, immenses comme un continent ; toute la force d’une mère qui coulait dedans. Toute l’impudeur, l’indécence d’un objectif braqué sur la profondeur intime des gens. Je vous raconte-là ma première impression très nette d’une femme, dont le destin s’était brisé huit ans et demi plus tôt. « 3123 jours sans ses filles »... Elle avait compté chaque jour, du matin jusqu’au soir et sans omettre de noter une seule seconde. Mon histoire avec Amélie Guillot fut brève, à peine une ligne dans le livre de Catherine... Bornée à ma mission de reporter de télévision. Un sujet à rendre, un aller-retour à Madrid par l’avion du soir pour l’édition du lendemain. Une simple rencontre « professionnelle », une interview rapide ; une bousculade. (Ne pas oublier les larmes... l’instant décisif en plan serré, bouleversant. Ne pas oublier la couleur du décor espagnol, derrière les larmes pour les « situer » dans l’ambiance caractéristique du café Gijón. Ne pas oublier de faire semblant de « couper » pour pas trop gêner les silences diaphanes). Je me suis contenté de pointer, de mitrailler la tour Picasso pour faire diversion. Un plan fixe de la Plaza de Colón avant de trouver la bonne lumière à la terrasse d’un café art déco. Elle, Amélie Guillot, héroïne malgré elle. Météorite de JT, tout ce qu’elle aurait préféré se taire devant ces sortes d’engins médiatiques aux gros bras, la mécanique pesante d’un grand spectacle d’actualité. Amélie. Piquée sous la focale siglée d’une grande chaîne de télévision. Deux minutes quinze dans un journal pour en découdre avec le rapport des masses et les formes abstraites du sentiment humain. Margaux et Blanche... des détails « sensationnels » dans la profondeur de champ intrusive d’une douleur intime. L’histoire d’un kidnapping dans le coma éthylique d’une revue de presse dans sa version « machinale, automatique ». Tout le contraire d’un bon livre ! L’exercice de l’âme, l’exercice vulnérable de l’Auteur face à la réalité des faits, de tous les faits... Et je veux dire par là, de l’ensemble des fragments d’humanité sensible à déconstruire, des écorchures ; des fleuves d’opacité intérieure à pénétrer. « L’Auteure » (J’ai vu ses yeux dans l’enceinte d’un tribunal de campagne). C’était moins de deux mois après mon expédition madrilène conduite par son propre mari, reporter lui aussi. Thorez, « le monstre », présenté devant le tribunal de Dôle. Sa suffisance, son arrogance ; Thorez coupable, mais sans le moindre remord... Suite et fin du feuilleton sur France 3. Un « direct » dans le 19/20. La lumière d’un soir sibérien d’octobre en contre jour d’un point de vue bon marché sur l’affaire qui « défraye la chronique », un raccourci énergique sans archéologie. Défilé d’images en mode « visible ». des corps en morceaux, François Thorez d’un côté, Amélie de l’autre. Langage binaire. Miroir glacial du procédé narratif exclusif. « Elle » était là, assise sur un banc, celui du public ; prêtant l’oreille au grand cirque judiciaire avec son carnet de notes sur les genoux. À force, l’affaire était devenue « son » affaire. Elle ; journaliste grand reporter, une mère aussi... L’affaire d’une mère face à une autre mère dans l’enceinte d’un tribunal engrossé par cette sordide intrigue d’un père voleur d’enfants. Tout se termine ici... Deux ans d’enquête, deux ans pour comprendre, l’impensable, l’incompréhensible ; et pas une minute de moins. Deux ans... À force, Je crois qu’Amélie et Catherine sont devenues des amies. C'est ce que d'aucuns lui reprocheront sans doute ; L'amitié comme un point de vue qui subordonne l'objectivité d'une enquête, son impartialité. Oui, sauf que l'auteure en question n'est pas juge, qu'elle n'est pas commissaire de police ni même le brigadier chef d'une quelconque entreprise spécialisée dans la fouille au corps, les lampes un peu fortes dans la gueule des gens. Un auteur... Pas un petit caporal, un petit maton de l'information engagé pour faire le tri dans l'actualité sans connaître un seul vers de Verlaine. Un petit curé qui prie Dieu pour se protéger des archanges diaboliques.
Néon™
CATHERINE EME-ZIRI EST JOURNALISTE A FRANCE 3 FRANCHE-COMTÉ. ELLE EST ÉGALEMENT L'AUTEUR D'UNE BIOGRAPHIE DE PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER, SECRÉTAIRE D'ÉTAT AUX PERSONNES ÂGÉES DE LIONNEL JOSPIN.