mercredi 11 mars 2009

LE COUP DE CHAUD / IX



(ROMAN EN LIGNE)
LE COUP DE CHAUD
-9-



Un roman... et c'est évidemment Tony™ qui s'y recolle ! Sacré Tony ™ ! Un roman... ou une somme de lignes superposées au mouvement de l'air ambiant. Un de ces procédés écologiques pour dire la couleur verte qui lui coule dans les yeux au lieu d'une industrie lourde incapable de le distraire vraiment. Un roman... disons plutôt une correction à la volée d'un vieux manuscrit laissé pour compte par faute de temps, l'été 2003. Le coup de chaud... où ce qui arrive à force de prendre des douches froides au travers du cadre strict d'une météo de merde. Le coup de chaud ou une façon de décliner un paquet d'histoires anciennes, des engrenages, la mécanique rouillée des passions en retard. L'effort illuminé d'en découdre avec ses vieilles leçons de voyages, les malles défaites un peu partout dans le coeur de gens admirables et réconfortants. Le coup de chaud... comme on dirait : de La poésie, le cinéma... un tas d'emmerdements à la fin.


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CHAPITRE 6
MORT AU PILIER DU FRENEY
(PREMIÈRE PARTIE / SUITE)


-Vacherie ! S’exclama Pierre comme percé de toutes les pointes de ses équerres scolaires. Tu savais que c’était du VI dans la cheminée surplombante ?!...
-Qu’elle cheminée ?
Pierre leva les yeux vers le toit du bureau de poste.

Pierre et Antoine sont assis à La terrasse, le café moderne style appuyé sur la rive droite de l’Arve. Un point de vue de carte postale sur le massif du Mont-blanc et sur toutes les filles qui se croisent en nuée hallucinante sous le totem en bronze vert de la place Balmat. (L’allégorie métallique de la conquête, bien entretenue à l’adresse des découvreurs du sommet le plus photographié du monde). Une foule de monchus des deux sexes s’y pressait chaque jour, dont Antoine cherchait à s’expliquer les douteuses intentions, lorsque ces touristes-là prenaient la pause, à peu près toujours la même, pour se faire tirer le portrait-souvenir au premier plan de l’entrejambe des deux aventuriers les plus célèbres des Alpes. Antoine, se souvenant aussi d’une littérature célébrée dans des cahiers intimes de sa mère... ne pouvait s’empêcher de voir en cet aggloméré de métal forgé, le symbole phallique au pied duquel une grande partie de l’humanité s’exerçait à s’offrir. L’image du pèlerinage phallocentrique défilant en flux compact au pied des neiges éternelles, l’amusait chaque fois. Un rendement couard et affreusement bruyant sous l’élément des hauteurs virginales de la terre. L’alpiniste mesurait d’autant mieux ce hâle ostensible de la foule banale... que le jeune homme s’efforçait à inscrire son action dans un effort de transcendance virile. Un noble combat qu’Antoine tentait de coucher sur son carnet de courses.

L’aventure montagnarde constitue bien en cette expérience de la raison humaine confrontée à son désespoir amoureux. Une formidable expérience de la prédominance masculine pour le progrès de l’espèce...

La preuve était considérable dans les défis que les deux jeunes gens se lançaient sans cesse sur les cimes et qui égaraient les filles lorsqu’ils redescendaient.

Oui, l’esprit de conquête fut bien de tout temps l’apanage du sexe fort et joua même une sorte de rôle essentiel au perfectionnement du monde libre et civilisé. En substance, je vis personnellement cet effet dramatique d’une noble semence éjectée de son enveloppe naturelle, alors qu’une nature abstraite refusait d’y souscrire entièrement. Une certaine dynamique de la dispersion engendrée par l’humeur exécrable d’une jeune réceptrice non consentante. Exception faite de cas très rares, et particulièrement bien dotés... un tel comportement de sa partenaire provoque une rupture de la chaîne instinctive d’actions-réactions combinées, obéissant à des lois universelles de la reproduction, oui... indispensable à sa survie. Si l’on voulait aller plus loin... Prenez Darwin, la Théorie de la sélection sexuelle de Darwin, 1871. Et considérez qu’une augmentation importante de la descendance des mâles préférés, au sein de l’espèce, permet bien l’évolution des caractères, par ailleurs, affirme-t’il... sans intérêt. Mais bon passons !...
Bef ! D’aucun comprendra qu’il est au demeurant plus estimable qu’une jeune femme se laissât prendre d’un amour absolu pour le garçon de sa vie et se réserve entièrement pour lui, au lieu d’à moitié concéder son pucelage à n’importe quel camionneur de passage... En pure perte donc !

Et pour en terminer ! écrivit encore « l’alpinietzsche » pour en terminer là d’une vengeance lentement préméditée à l’adresse de cette espèce de transporteur d’âme un peu simple et forceur de boutons... ce routier !... La femme donne la vie, un privilège homogène à toutes les espèces ou presque... Mais le mâle, ainsi dégagé du rôle aliénant de la gestation, à cette capacité extraordinaire de disposer du temps nécessaire à forger sa destinée à la hauteur de ses ambitions. « La transcendance de la vie par l’existence... » qui caractérise la supériorité de l’espèce humaine sur le règne animal est donc bien l’apanage des hommes. Dés lors, et ne serait-ce que par respect au moins de cette nature supérieure consentie à leur endroit, ceux-là ne doivent avoir de cesse de batailler avec acharnement pour défendre leur temps libre...

Antoine conclut plutôt abruptement sur une véritable pensée de gauche. Ce que pierre lui fit remarquer tout de suite.

Le « naturaliste » compta les filles. Toutes les filles formidables qui vadrouillaient sans raison dans l’air pathétique d’une fin d’après-midi terminée dans l’oxygène raréfié chamoniard. Le « naturaliste » esquissa quelques traits sur son carnet à spirale, deux ou trois figures volées dans la foule au nez et à la barbe de Pierre qui leur trouva un air triste et « malheureuses »... les gomma franchement, s’appliqua de nouveau sur la forme aléatoire d’un papillon... une forme au hasard, une idée lancée au conditionnel pour ne rien décréter à l’avance d’irréversible... Non, pour ne rien présumer d’un bleu extraordinaire épanoui sur les deux ailes d’un lépidoptère exotique, un Morpho cypris de Colombie, parfaitement incapable de survivre plus d’une minute sous cette latitude en pareille saison. Antoine, ravi, entreprit Pierre sur cette preuve supplémentaire quant à la prédominance du monde sensible sur les mathématiques bien réglées de son monde un peu étriqué.

L’abstraction n’avait-elle pas cette vertu considérable contre l’aliénation, en luttant contre l’ordre établi !...

Pierre, écoeuré, préféra ne rien répondre franchement.

En conséquences, Antoine enfonça l’argument de l’impossible bleu du papillon colombien qui persistait pourtant sous cette latitude sans aucune réalité tangible d’un point de vue rationnel, alors qu’une quantité d’adrénaline parfaitement mesurable sur le plan scientifique, continuait de se répandre dans les avant-bras de son compagnon de cordée. La preuve de la pertinence du monde sensible et son corollaire de sensations fortes étaient là, palpables au-dessus de leur tête, sur des montagnes dont ils ignoraient encore l’essentiel mais qui déjà, exerçaient sur eux un pouvoir fascinant.

Un « Ta gueule ! Putain tu fais chier... » planta nette la tentative d’Antoine de poursuivre son raisonnement sur les conséquences possibles de l’abstraction.




(À SUIVRE)